vendredi 20 juillet 2012

Vers l'« Etat des Alaouites » en Syrie ? Eventualité et conséquences pour le Liban (Art.67)



On apprend vite quand on sort des sentiers battus, que tout serpent reste dangereux tant qu’on ne lui a pas tranché la tête, encore plus dangereux quand on ne lui coupe que la queue et une fois on lui a coupé cette queue, on ne dispose que d’un temps limité pour l’achever, faute de quoi le serpent pourrait se retourner contre le randonneur imprudent. Autrement dit, toutes les prévisions à court terme sur les derniers événements en Syrie sont très aléatoires tellement la situation demeure floue et imprévisible. Avec des combats en plein cœur de Damas et un attentat contre un QG de sécurité dans la capitale syrienne, el-Cham rentre dans une folie furieuse et incontrôlable. Tous les ingrédients sont là pour nourrir les espoirs les plus fous et les rumeurs les plus folles. La « guerre psychologique » fait rage sur le sol et dans les airs, à Damas comme dans les médias et sur internet !

Après 16 mois de révolte non-stop, il est indéniable que le régime de Bachar El-Assad a reçu un coup très dur en ce mercredi 18 juillet. Je comprends qu’on puisse se réjouir de la mort de certains personnages odieux. Personnellement, c’est une limite que je ne franchirai pas. Pas uniquement pour une raison morale. Etant farouchement opposé à la peine de mort décidée en bonne et due forme, je ne peux point me réjouir d’une mort qui s’apparente à une exécution sommaire, une expédition punitive ou un acte de vengeance, notamment lorsque cette forme est obtenue par un « attentat-suicide ». Les criminels doivent être jugés devant un tribunal, par le peuple et pour l’Histoire.

Dans ce contexte de grande confusion, quelques réflexions aux moindres risques sur la situation de la Syrie et ses conséquences sur le Liban.

1. Allah n’y est pour rien dans l’évolution de la situation syrienne. S’il devait intervenir, il l’aurait fait ici et ailleurs, depuis longtemps, très longtemps, depuis la nuit des temps et les méandres des ténèbres, depuis la Genèse et la création d’Eve à partir du « baculum » d’Adam ! Vous en conviendrez avec moi, passons rapidement aux choses sérieuses.

2. La Russie ne lâchera pas le régime syrien tant que ses intérêts économiques et ses préoccupations stratégiques ne sont pas pris en compte. Idem pour la Chine. A ce jour, aucun des éléments suivants ne permet de présager le contraire : la personnalité de Poutine, les déclarations répétées de Lavrov, le blocage des résolutions à l’ONU (3 doubles vetos depuis mars 2011 ; dernier en date, jeudi 19 juillet), la restitution à l’armée syrienne de 3 hélicoptères de combat (par un cargo russe; opération en cours), l’importance de la base méditerranéenne de Tartous pour le Kremlin, le grand intérêt du marché syrien d’armement pour le complexe militaro-industriel russe, la nécessité pour les Russes de saboter le projet de gaz trans-syrien entre le Qatar et l’Europe (qui rendrait le continent moins dépendant du gaz trans-sibérien), le désamour des marchés arabes pour l’armement russe, la guerre froide entre la Russie et l’Occident qui n’a jamais cessé, etc. A ce titre, les pays arabes et occidentaux portent une lourde responsabilité dans l’enlisement de la situation en Syrie. La population syrienne paie très cher l’amateurisme occidental en Libye (d’avoir outrepassé la résolution de l’ONU ; d'avoir négligé les intérêts de la Russie ; de n’avoir pas pu imposer le jugement devant la CPI des Kadhafi, père et fils ; etc.). Il est facile de reprocher à la Russie la défense aveugle de ses intérêts, au mépris des droits humanitaires, alors qu’on a fermé les yeux et les oreilles à l’expédition guerrière du cowboy de la Maison Blanche en Irak, une guerre décidée pour des raisons bassement financières et qui a provoqué la mort de 115 000 civils irakiens dans l’indifférence générale du monde qui se prétend être "civilisé" !

3. Dans mon article « Hélas, pas de changement de régime en Syrie dans l'immédiat! », publié le 23 mars 2011, à peine 8 jours après le début de l’intifada syrienne, à contresens total de la pensée dominante du moment, après avoir énuméré les raisons qui me poussaient à choisir ce titre, j’avais conclu que « la détermination du peuple syrien à l'avenir, indépendamment des facteurs extérieurs... ne sera suffisante pour créer un bouleversement en Syrie que si et seulement si elle se radicalise et se généralise pour créer le "dynamisme révolutionnaire" que rien ne pourra arrêter, comme une avalanche... Bonne chance au peuple syrien. De toute façon, l'avenir lui appartient ! ». Nous voilà 16 mois plus tard, la révolution syrienne a peut-être réussie à donner à son mouvement ce « dynamisme révolutionnaire » qui pourrait déloger Bachar El-Assad du palais du Peuple. L’avenir nous le dira rapidement.

4. L’attentat de Damas survenu le 18 juillet 2012 fait penser évidemment au Complot du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler. Si les deux événements se ressemblent beaucoup, ils se distinguent également. Les deux attentats ont en commun deux éléments : ils visent de hauts responsables du régime et ils ont eu lieu pratiquement le même jour ! Est-ce un clin d’œil de l’Histoire aux révolutionnaires syriens ou un clin d’œil des révolutionnaires syriens à l’Histoire ? Qu'importe.

Mais ces deux attentats se distinguent aussi sur plusieurs points. D’abord, il faut noter que l’attentat de Wolfsschanze (« La Tanière du Loup », QG d’Adolf Hitler, un ensemble de blockhaus situés dans une forêt dense qui se trouve actuellement en Pologne) visait la tête de la pyramide du régime nazi, Hitler himself ainsi que des officiers de 1er plan, ce qui n’est pas le cas de celui de Damas, Bachar ne devait pas assister à la réunion et les hauts responsables syriens tués ne font pas partie du cercle rapproché du clan Assad. A ce propos, il faut préciser que le ministre de la Défense et le chef de la Cellule de crise, tués dans cet attentat n’avaient aucun pouvoir sur le terrain et même le puissant Assef Chawkat, vice-ministre de la Défense et beau-frère d’Assad, il était en disgrâce depuis quelque temps. Ensuite, il faut savoir que l’attentat contre Hitler constituait la 1ère étape d’un plan d’action qui prévoyait un coup d’Etat. Rien ne laisse penser aujourd’hui qu’un scénario semblable était prévu par les révolutionnaires syriens, à part ce coup d’éclat. Et enfin, le modus operandi ! Le colonel Claus von Stauffenberg a posé la mallette contenant la bombe et est sorti de la salle où étaient rassemblés les principaux officiers allemands. A Damas, l’auteur syrien, un garde du corps et non un haut officier comme pour Hitler, se serait fait pulvériser dans la salle de réunion. Une autre version circule. Elle ressemble à celle qui a couté la vie à Bachir Gemayel, où il est question d’un ouvrier qui travaillait dans le bâtiment. En tout cas, le mode opératoire a son importance. Et quelle nuance ! C’est sur cette base, je pense, que Ban Ki-Moon a « condamné fermement » l’attentat de Damas. Et comment ! Peut-on se réjouir de cette mode désuète des « attentats-suicide » quand cela nous arrange, comme c’est le cas aujourd’hui avec l’attentat de Damas, et la condamner quand cela nous dérange, comme ce fut le cas avec l’attentat contre Rafic Hariri à Beyrouth ou avec les attaques du 11 Septembre à New York ? C’est une question de principe. Lors du procès de Nuremberg, les criminels nazis ont eu le droit de se défense, malgré les horreurs commises, et ce qui se passe en Syrie n’est rien comparé aux crimes nazis. Le principe de l’attentat-suicide est moralement condamnable, ne serait-ce que parce qu’au cours de l’opération, des innocents sont tués, blessés et traumatisés, avec les criminels visées ! Encore une fois un criminel doit être jugé et non exécuté !

Un rappel sinistre de circonstance. L’attentat de Wolfsschanze, à défaut de décapiter le régime nazi, a été suivi par une répression féroce et une épuration massive. Une dizaine de milliers de personnes ont été exécutées par la suite. Bachar El-Assad, en « black-out » depuis l’attentat, il serait toujours à Damas selon les dernières informations, prépare sa vengeance, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Il fera comme son père après l’attentat manqué contre lui en 1980 où un millier de Frères musulmans furent massacrés à la prison de Tadmour. D'ailleurs, les Frères musulmans considèrent que désormais le régime est "aussi dangereux qu'un loup blessé". Toute la question étant de savoir, quelle marge de manœuvre reste réellement au fils Assad et si les rebelles ont la capacité de harceler le régime par d’autres coups de cette ampleur ?

5. Déloger Bachar El-Assad ne signifie pas la fin du conflit en Syrie et le début immédiat d’une ère de prospérité pour le peuple syrien. Le tyran de Damas a encore quelques cartes dans les mains. Et non des moindres ! Le soutien infaillible de la Russie et de la Chine, l’hésitation occidentale et arabe sur le remplacement de Bachar (malgré les déclarations hypocrites !), le soutien inconditionnel d’Israël (malgré les déclarations hypocrites aussi ; Israël est éternellement reconnaissant pour les Assad, père et fils, d’avoir transformé le front du Golan en un lieu paisible où il fait bon de vivre pour les colons israéliens ; en tout cas, l’Etat hébreux craint le transfert de missiles et d’armes chimiques vers le Hezbollah au Liban), la menace d’utilisation des armes chimiques contre les insurgés et la population, la dissémination de l’arsenal de l’armée syrienne (notamment vers le Hezbollah), le passage à la guerre civile (avec affrontement des populations alaouite et sunnite), l'exode massif de la population syrienne vers le Liban (20 000 personnes au cours des dernières 24 heures), l’agitation des camps palestiniens de Syrie (expulsion massive vers le Liban ou la Jordanie) et enfin pour ce qui nous concerne directement, la déstabilisation du Liban.

Et comme par hasard et par malédiction, le jour de l’attentat de Damas, un attentat au bord de la mer Noire contre des touristes israéliens fait 6 morts et une trentaine de blessés. "L'attentat de Bourgas a été mené par des activistes du Hezbollah et commandité par l'Iran", a déclaré Ehud Barak, le ministre israélien de la Défense. Pour le chef de la diplomatie israélienne Avigdor Lieberman, "C'est le Hezbollah aidé par les Gardiens de la révolution de l'Iran qui est responsable de cet attentat". Au passage, l’attentat de la mer Noire est aussi perpétué par un kamikaze ! Enfin, l’embrasement de la région est le meilleur moyen de prolonger l’espérance de vie de Bachar El-Assad, quitte à replonger le pays du Cèdre dans une guerre désastreuse !

Enfin, la réactivation de l’« Etat des Alaouites » du mandat français est probablement la dernière cartouche de Bachar El-Assad. Ce mini-état a existé sous diverses appellations entre 1920 et 1936 : Territoire des Alaouites, Etat des Alaouites et Territoire de Lattiquié. Il avait justement comme capitale Lattiquié. Il est dominé par la communauté alaouite. Le repli des alaouites, civils et militaires de Syrie vers l’« Etat des Alaouites » est une option que le clan Assad envisagera sans doute quand il aura la certitude de perdre définitivement le contrôle de la Syrie. D’ailleurs, des observateurs ont déjà noté un mouvement de populations -alaouite et chrétienne- vers la côte, qui connait un boom immobilier sans précédent. Le moment venu, il videra les caisses de l’Etat syrien et transformera l’armée syrienne en une milice alaouite chargée de la défense du nouvel Etat. La Russie sera le premier pays à le reconnaitre, d’autant plus que la base militaire russe de Tartous se situera dans l’Etat des Alaouites. C’est peut-être ce qui explique la grande prudence des chancelleries occidentales sur le dossier syrien : éviter de « pousser » le clan Assad vers cette option extrême ! L’existence d’une frontière commune avec le Nord du Liban et la présence d’une communauté alaouite à Tripoli, facilitera la déstabilisation du pays du Cèdre, qui n’en a sûrement pas fini avec le clan des Assad !

6. Déloger Bachar El-Assad ne signifie pas non plus la fin des problèmes libanais et le début immédiat d’une ère de prospérité pour le peuple libanais. Dans mon article, écrit en mars 2011, je concluais : « Si le changement de régime en Syrie est un paramètre important qu'il faut sans doute prendre en considération, nous libanais, les composantes du 14 Mars en particulier, nous ne devons en aucun cas construire nos plans d'action sur cette éventualité. » Je n’ai rien à rajouter à cette conclusion 16 mois plus tard, même si le dynamisme révolutionnaire a franchi le seuil de non-retour, à cause notamment du point 5. En tout cas, indépendamment de ce qui précède, certains pensent naïvement, notamment au sein du 14 Mars, que la chute du régime syrien anéantirait le Hezbollah et Michel Aoun !

Ils persistent à ne pas vouloir comprendre que la « puissance » du Hezbollah, le parti religieux ne la tire pas ni du régime syrien, ni des mollahs d’Iran, ni même de ses armes, mais surtout de la communauté chiite libanaise qui le soutient massivement ! De grâce dites-moi, combien de voix chiites (et surtout qu’est-ce qu’elles représentent sur le terrain) se sont élevés pour dénoncer l’attribution par Hassan Nasrallah du qualificatif de « martyr » à Assaf Cawkat ou pour critiquer le Hezbollah après les guerres de juillet 2006 et mai 2008 ou qui réclament la dissolution illico presto de la milice chiite et son désarmement ou la remise des 4 accusés du Hezbollah au Tribunal spécial pour le Liban ? Peu, hélas. Quant à Michel Aoun, ces mêmes « certains » s’obstinent à ne pas vouloir comprendre que la popularité du général de Rabié ne sera nullement affectée par les événements tragiques de Syrie pour la simple raison qu'ibn Hrajel, ibn Maaser El-Chouf, ibn Jézzine, ibn Achrafieh et ibn Bkerké même, n'ont cure de ce qui se passe de l’autre côté de l’Anti-Liban ! Non par cruauté mais par un égoïsme bassement "humain". Ils sont surtout sensibles à son populisme à 5 piastres.

7. Au total, pour ce qui est de nous au Liban, ce qui va affaiblir le Hezbollah et Aoun, ce sont d’une part, la présentation par le 14 Mars d'un programme politique courageux, ambitieux, concret et réaliste, qui abordent la vie quotidienne de la population libanaise, en lui donnant matière à rêver à un avenir meilleur et d’autre part, l'engagement ferme à le réaliser si le peuple libanais lui accorde la majorité relative aux prochaines élections législative de 2013 ! Le reste n'est que vanité et poursuite de vent.


Mise à jour 19 décembre 2012 

Extraits d'un article paru dans le quotidien libanais al-Moustaqbal le 17 déc. 2012
الأسد يحضّر للفرار من دمشق والتحصّن في جبال العلويين

المستقبل - الاثنين 17 كانون الأول 2012 

تتسارع مجريات الأحداث في سوريا حيث سرّب مصدر روسي مقرّب من بشار الأسد أمس، أن الرئيس السوري أعدّ خطة عسكرية لإطالة أمد الحرب الدائرة ضد الشعب السوري من خلال تخطيطه للجوء إلى جبال العلويين في الساحل الغربي من البلاد، إلى حيث نقل سبعة ألوية من قوات النخبة في الجيش السوري ولواء متخصصاً بالصواريخ البالستية بحوزتهم ذخائر كيميائية.

ففي بريطانيا، نقلت صحيفة "الصانداي تايمز" امس عن مصدر روسي مقرب جدا من الأسد ان الأخير يحضر من اجل مغادرة دمشق إلى مكان أكثر امناً في جبال العلويين قرب الساحل السوري المطل على البحر المتوسط بين جنوب تركيا وشمال لبنان.

وبحسب مصادر استخبارية غربية، فإن سبعة الوية من المغاوير (اشرس المقاتلين) الذين هم في غالبيتهم من الطائفة العلوية ولواء متخصص بالصواريخ البالستية قد انتقلوا مطلع الشهر الجاري الى المنطقة العلوية التي يخطط الأسد للانتقال اليها. واوضحت المصادر ان "واحداً من الوية المغاوير ولواء الصواريخ يملكون بحوزتهم ذخائر كيميائية".
وكان النظام عمل بشكل رئيسي خلال الـ21 شهراً الماضية على تطهير المنطقة عرقياً فقامت قواته بإبادات جماعية للمسلمين السنة الموجودين في عدد من القرى على اطراف المنطقة العلوية مثل ترميش والرستن والحولة. كما قامت قوات الاسد بزرع الطرقات الحدودية للمنطقة بالألغام، وانتقل مراقبو قوات النخبة الخاصة الى المنطقة لمراقبة الطرقات التي تؤدي اليها بشكل دائم.

وافادت تقارير ان آلاف العلويين يهرعون الى المنطقة الساحلية الواقعة على المتوسط بين تركيا وشمال لبنان، كما اشارت معلومات غير مؤكدة ان الأسد قد نقل قسماً من عائلته الى القرداحة الواقعة في قلب المنطقة المذكورة حيث تقوم بحراستهم بشكل مشدد قوات خاصة مخلصة لعائلة الأسد.

واكد المصدر اعتقاده بأن الأسد لن يستسلم ابداً في المنطقة العلوية التي يسيطر عليها تماماً. اضاف "لقد قال لي الأسد: مبارك ربما غادر وبقيت مصر، أما انا اذا ذهبت فلن يبقى شيء من سوريا".

  
Mise à jour 5 juillet 2013
Les choses se concrétisent ! C'est même très grave. Des informations évoquent la destruction et la falsification des registres des cadastres en Syrie, pour déposséder les propriétaires sunnites de leurs biens dans certaines régions, notamment à Homs. La population et les rebelles syriens doivent le savoir. Extraits d'un article paru dans le quotidien koweïtien Al-Raï le 5 juil. 2013

صار من شبه المؤكد ان الرئيس بشار الاسد يسعى لاقامة منطقة نفوذ ذات غالبية علوية وشيعية تصل الشمال الغربي للبلاد بالعاصمة دمشق، وتكون متصلة بالبقاع اللبناني والجنوب وبيروت

قوات الاسد عمدت الى نقل عدد من السكان المدنيين العلويين من الشمال الغربي الى بلدة القصير التي استعادتها أخيرا من الثوار، وسمحت للعلويين بنهب الممتلكات، والاقامة في المنازل الفارغة للسنة المهجرين، كجزء من عملية تطهير عرقي منظمة

قيام قوات الاسد باحراق مبنى السجل العقاري في حمص... محاولة لطمس اثباتات الملكية للسوريين السنة


القوات التي خاضت المعركة في القصير انتقلت الى حمص، وان هذه القوات مؤلفة من خمسة الاف مقاتل لحزب الل
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mercredi 4 juillet 2012

Les Frères musulmans au pouvoir en Egypte : faut-il s'en réjouir, s'en foutre ou s’en inquiéter ? (Art.66)


Cela ne fait aucun doute le 24 juin 2012 marquera un tournant dans l’histoire du monde arabe. Mohamad Morsi, le candidat des Frères musulmans a remporté officiellement l’élection présidentielle égyptienne avec 51,73% des voix. Ce résultat couronne un processus démocratique commencé à la chute du régime Moubarak le 11 février 2011. Certains se félicitent de la bonne marche de cette jeune démocratie, arguant que l’habit de l’islamiste ne fait pas le moine, cela va de soi quand même !, qu’il convient d’attendre et de voir, cela ne va pas de soi tout de même, loin des préjugés, et s’il le faut, le faire sur les actes. D’autres annoncent d’ores et déjà, ni plus ni moins, la mort clinique de la grande Egypte, celle des pharaons !

Quelques précisions de bon sens pour commencer. L’Egypte compte aujourd’hui 82 millions d’habitants. Le candidat islamiste n’a obtenu que 13,2 millions d’entre eux ! Une simple soustraction montre que près de 69 millions de personnes n’ont pas choisi Morsi ! D’ailleurs, seulement la moitié des électeurs se sont rendus aux urnes ! Il faut savoir aussi que son rival, qui est loin d’être un grand démocrate, puisque ce général fut un temps ancien Premier ministre du président déchu a obtenu 12,4 millions de voix. Certes la différence entre les 2 candidats est significative, mais rapportée à la population générale (1,2%), elle apparait dérisoire !

Beaucoup de signes témoignent de la bonne marche de cette démocratie naissante. Les élections législatives et présidentielles étaient libres. Elles se sont déroulées sans incident majeur. Elles ont connues la confrontation de plusieurs camps idéologiques. Les chiffres sont « démocratiques » (loin des 80 ou 90 % d’antan). Morsi est le premier président civil (62 ans pour y parvenir). Aussitôt investi, le nouvel élu déclare qu’il est président de tous les égyptiens et qu’il compte former un gouvernement d’union nationale. On apprend au hasard aussi que ses enfants ont la nationalité américaine. Voilà pour la vitrine. Mais qu’est-ce qu’on a dans l’arrière-boutique ?

Selon l’agence iranienne Fars, le nouveau président souhaiterait le rétablissement et le renforcement des relations diplomatiques avec l’Iran pour créer un équilibre stratégique régional. Certes l’info a été démentie mais qu’importe, les dirigeants de la République islamique d’Iran se sont félicités officiellement de l’arrivée d’un islamiste au pouvoir. On comprend ! Faut-il rappeler que les iraniens refusent de parler de « printemps arabe » mais préfèrent dès le début évoquer le « réveil islamique » des nations arabes. Nuance de taille ! Et s’ils avaient raison en fait ?

On dit que le parti des Frères musulmans représente un « islam modéré ». Certains n’hésitent pas à le comparer à la « démocratie chrétienne européenne ». Ah bon ? Pour me faire une idée, I google it ! Et là surprise sur prise. Je découvre que l’idéologie de la Confrérie s’articule autour des axes suivants : « Allah est notre objectif. Le prophète Mahomet est notre chef. Le Coran est notre loi. Le djihad est notre voie. Mourir dans les voies d’Allah est notre plus grand espoir ». Waouh ! Démocratie chrétienne européenne dites-vous, bordel de foutaises ! Il serait plus approprié de les comparer aux mollahs chiites iraniens et aux hezbollahi chiites libanais ! Remis de mes émotions je continue ma recherche. Le parti des Frères musulmans fondé en 1928 s’est fixé dès l’origine 2 objectifs : instaurer un grand État islamique fondé sur l’application de la Charia et lutter contre l’emprise laïque occidentale et l’imitation aveugle du modèle européen ! Double waouh, même si ces objectifs peuvent facilement être attribués aux mollahs et aux hezbollahi également ! La doctrine de la Confrérie se base sur le dogme du « taw7id », la fusion du religieux et du politique ! Triple waouh, frères, mollahs et hezbollahi, unis sous la même doctrine !

Traditionnellement les Frères musulmans, les salafistes aussi, ainsi que leurs pendants chiites, hezbollahi et mollahs, sont donc farouchement opposés à la « laïcité » ! Alors comment diable peut-on accueillir favorablement et sans nuance l’élection à la tête d'un des plus grands pays arabo-musulmans d’un militant religieux endoctriné qui n’aura nullement l’intention de séparer la religion de l’Etat ni aujourd'hui ni demain, never ever ? C’est pire que d’imaginer simultanément Marine Le Pen présidente de la République française, W à nouveau dans le bureau oval, Gilberte Zouein à Baabda et Myriam Klink secrétaire générale des Nations-Unies ! On a donc déjà un gros problème en perspective sur le plan théorique !

En pratique, ça se corse encore davantage avec les Frères musulmans.  Notons à leur actif, l’assassinat du Premier ministre égyptien Mahmoud Fahmi Nokrashi (1948). A différentes époques, ils furent soutenus par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite pour lutter contre les régimes communistes et socialistes. Pas qu’en Egypte d’ailleurs ! C’est dans ce cadre qu’ils tentèrent d’assassiner Gamal Abed El-Nasser. Dans les années 60, ils préconisèrent le Jihad contre les sociétés « jahiliyé » (ignorantes), occidentales et même islamiques. Il faut savoir aussi que c’est un membre de Jamiaa El-Islamiyé, une dissidence des Frères Musulmans, qui assassina le président égyptien Anouar El-Sadate (1981). Tout cela est de l’histoire ancienne, soit, mais il faut savoir aussi qu’Ayman El-Zawahiri, le leader actuel d’Al-Quaida est issu des rangs des Frères musulmans, que ces derniers ont contribué activement à la formation du Hamas, le pendant sunnite du Hezbollah en Palestine et qu’ils n’ont pas hésité à ameuter la communauté sunnite après la publication des caricatures de Mahomet dans un journal danois (2006). Par ailleurs, il faut savoir également que c’est sous le slogan séculaire « L’Islam est la solution » que Mohamad Badie (Bdi3) est devenu le 8e Guide suprême de la Confrérie. Et là ce n’est pas de l’histoire ancienne comme l’atteste la photo de Badie prise lors de son avènement en 2010. La longue répression qu’ils subirent à l’époque de Nasser, de Sadate et de Moubarak, allant jusqu’à leur interdiction, a limité leurs actions et leurs participations aux élections mais ne les a pas empêché de dissimuler leur jeu et leurs véritables intentions. Du jeu il y en a eu, de la stratégie aussi. Rappelons que les Frères musulmans ont fait profil bas lors de la Révolution égyptienne (janvier 2011) afin d’éviter la répression du régime et pour ne pas effrayer la population égyptienne, ainsi que les pays occidentaux et les régimes arabes ! D’où l’accueil favorable de certains occidentaux et orientaux de l’élection de Mohamad Morsi. Amnésiques ils ont oublié que les Frères se sont engagés à ne pas présenter de candidat à la présidentielle. Ce n’était qu’une tactique, qui s’est révélée payante aux législatives et à la présidentielle ! Ils ont compris que la démocratie qui est issue de la révolution peut les installer au pouvoir à peu de frais et sans beaucoup de risques.

Dans tous les cas, Mohamad Morsi, à supposer qu’il soit bien intentionné, fera face à 4 gros problèmes qui pourraient rendre sa navigation sur les eaux du Nil assez délicate !
1. L’armée. L’arrêt de la Haute cour à cause du vice juridique dans la loi électorale a poussé le Conseil suprême des forces armées à dissoudre le nouveau Parlement et à s’octroyer dans la foulée le pouvoir législatif ainsi qu’un droit de contrôle sur les finances publiques et surtout sur l'élaboration de la prochaine Constitution. Un signe qui ne trompe pas sur « l’ambiance » de cette nouvelle cohabitation !
2. Les électeurs des Frères musulmans. Le parti obtint la moitié des députés du Parlement dissout ! Il est donc évident que Morsi devra répondre à l’attente de ses électeurs, faute de quoi tous les déçus se jetteront dans le camp salafiste aux prochains rendez-vous électoraux. Cela ne fait aucun doute !
3. Les salafistes. Ils représentent un quart du Parlement dissout ! Le programme des barbus se résume en quelques mots, ils souhaitent l’application de la Charia. Une absurdité quand on sait que 10% de la population de l’Egypte est chrétienne (près de 7,5 millions de personnes quand même) et qu’un pourcentage indéterminé d’égyptiens ne partagent pas cette ferveur, qu’ils soient musulmans, juifs ou athées. Ils savent aussi que les « frères » constituent un terrain de pêche très fertile !
4. La communauté copte. Par méfiance, elle a eu du mal à lâcher Moubarak et à monter dans le train révolutionnaire, et par défiance, elle a soutenu le candidat adverse, Ahmad Chafik. Fera-t-on payer à ceux qui sont sur les terres du Nil depuis la nuit des temps, le prix de ces hésitations politiques, déjà que ce n’était pas fameux sous le dictateur déchu (3 députés élus et 7 nommés sur 518 sièges) ?

Pour évaluer la maturité d’une démocratie il existe des indices. Le premier de tous c’est le respect de la Constitution et des lois existantes. Il y a ensuite la tenue d’élections libres, le respect de la diversité politique et l’acceptation des résultats des urnes. Pour l’instant le compte y est en Egypte. Magnifique. Mais il y a aussi d’autres indices à prendre en considération. Comme le respect de la liberté d’expression, de culte et de mœurs, l’égalité des citoyens, la justice sociale et pénale, l’ouverture sur le monde, le respect des droits de l’homme et de la femme, le respect de la diversité et le droit à la « différence » d’opinion, de religion et de comportement. Le compte n’y est pas et n’y sera probablement jamais avec la nouvelle Egypte islamiste. Et comment peut-il en être autrement lorsqu’on apprend que les Frères considèrent que dans un pays à majorité musulmane c’est bien la Charia qui doit régir la vie des citoyens. D’ailleurs les leaders du mouvement ne se cachent pas pour en parler. Le programme publié en 2007 prévoit la mise en place d’un conseil religieux pour évaluer les lois égyptiennes. Dans ce programme il est clairement établi qu’un copte ou une femme, même sunnite, ne pourrait pas être élu(e) président(e) de la République ou nommé(e) Premier ministre. Enfin, il y a quelque mois, Mohamad Badie a déclaré sur le site officiel de la Confrérie que les Frères musulmans sont sur le point d'atteindre l'objectif ultime fixé par le fondateur du groupe, Hassan Al-Banna, qui est la mise en place d'un « régime équitable et raisonnable ». Le Guide suprême a ajouté que le projet commence avec la création d'un « gouvernement sain » et se termine par « la mise en place d'un califat islamique » juste ! On comprend maintenant beaucoup mieux la réjouissance plus que sincère de la République islamique d'Iran à l'annonce des résultats officiels ! 

Je suis sidéré par l’enthousiasme naïf de certains, en Orient comme en Occident, pour le « triomphe de la démocratie égyptienne », un triomphe qui se solde par l’accession des  Frères musulmans au pouvoir ! La démocratie égyptienne, et au-delà, la laïcité de l’Egypte, sont plus que jamais menacées par ce parti intégriste. On est encore à des années-lumière d’une démocratie mûre ! La démocratie en Egypte, une affaire à suivre, de près, de très près...