lundi 7 janvier 2013

L’afflux de réfugiés au Liban : le problème de la militarisation du conflit en Syrie (Art.97)


Avant de se crêper le chignon sur la fermeture des frontières (ou pas), il est intéressant de s’arrêter un moment sur le contexte de l’afflux des réfugiés au Liban. Après 22 mois de conflit en Syrie, on estime à 180 000 le nombre de réfugiés syriens au Liban. Sur un total de 577 000 personnes, le pays du Cèdre est aujourd’hui la 1re destination de tous ceux qui fuient la terreur du régime d’Assad. 180 000 personnes, c’est une ville entre Tripoli et Saida, 2 à 3 fois la taille de Jounieh ou de Zahlé, 6 fois celle de Baalbeck et 13 fois celle de Jezzine.

RESPONSABILTES D’ASSAD ET DES REBELLES

Personne ne quitte son domicile, avec tous ou une partie des siens si elle n’est pas forcée à le faire. Disons-le sans détour, le responsable principal de cet afflux est incontestablement le dernier tyran des Assad, Bachar Ier et dernier.
Son « discours de la solution », annoncée avant-hier par l’agence syrienne Sana et le quotidien libanais prosyrien al-Akhbar, n’y changera rien. Voilà ce qu’écrira l’histoire, point barre. Comment un dictateur sanguinaire peut-il encore espérer rester au pouvoir, après avoir mis son pays à feu et à sang, ne relève nullement du mystère. Telles sont l’illusion et la destinée de tout tyran de tout temps. Si les voies du Seigneur sont impénétrables, celles de l’Enfer le sont. Il n’est pas besoin de disserter longtemps sur ce point. Passons à la suite. Et la suite se trouve chez les rebelles syriens, institutions, groupes et groupuscules, qui portent aussi une lourde responsabilité dans cette tragédie. En décidant de militariser le conflit et de le généraliser, bien qu’imposer par la barbarie du régime syrien, ce fût bel et bien un choix, courageux mais qui n’était pas sans conséquences, ils ont permis à la cruauté d’Assad de se répandre dans le pays comme une tâche d’huile sur un vêtement en soie, à s’exprimer franchement, odieusement et honteusement, à s’amplifier d’une manière exponentielle, poussant la population syrienne à l’exode.

La stratégie de la guérilla
, adoptée par les rebelles, que j’ai dénoncée à maintes reprises, notamment dans l’article du 17 août 2012, « Il est temps que les rebelles de Syrie réévaluent l’efficacité de leur stratégie ! (Art.70) », a montré ses limites. Ce n’est pas parce que les rebelles manquent de courage et de pugnacité, mais parce qu’il en est ainsi de toute guérilla depuis la nuit des temps : elle est d’un rendement médiocre et d’un coût exorbitant. Que reste-t-il de la vieille ville d’Alep par exemple ? Rien, désolation et champ de ruine ! On peut vouloir continuer dans cette voie, mais il faut en être pleinement conscient des conséquences et surtout en informer la population. Qui s’est fié aux rebelles et aux analystes, s’attendait à la chute du régime au début du mois de mai 2011, c’est-à-dire il y a un an et demi. Nul n’a le droit de mentir à la population syrienne, en lui faisant miroiter que cette guerre est un sprint de quelques centaines de mètres quand tout indique que dans l’état actuel des choses les Syriens sont engagés dans un marathon !

Aujourd’hui la Syrie est un pays à feu et à sang, ses infrastructures sont complétement détruites, il a reculé sur le plan socio-économique de 50 ans. Il va falloir des dizaines de milliards de dollars pour remettre le pays debout et des générations pour panser les blessures de la barbarie du régime syrien. Sur le plan humanitaire, on dénombre à ce jour 46 000 morts selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), 60 000 selon les Nations-Unies, ce dernier chiffre prend en compte l’ensemble des morts et les disparus, chabiha compris (les milices du régime). On dénombre par ailleurs, des centaines de milliers de blessés et des millions de personnes terrorisées à vie. 22 mois de conflit, avec un bilan aussi lourd, n’ont pas permis de déloger le clan Assad de Damas. Bref, les rebelles auraient dû changer de stratégie il y a belle lurette, les chiffres leurs donnent tort, comme on le verra plus loin.

Je constate comme beaucoup, avec tristesse, amertume et colère, que « la protection de la population civile », la raison-excuse de la militarisation du conflit syrien, est non seulement inefficace, mais en plus c’est un slogan creux. Il rappelle étrangement celui du Hezbollah au Liban. Que la vie d’un Syrien pour un dictateur de la trempe des Assad, fils de Hafez -mort dans son lit et non derrière les barreaux, hélas !- ne vaut rien, ce n’est point étonnant, mais qu’il en soit de même, toute comparaison gardée, chez ceux qui s’apprêtent à contrôler la Syrie, est décevant. Les pays et les organisations qui soutiennent les rebelles syriens et le régime d’Assad, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, sont coresponsables de ce drame, à commencer par la Russie, la Chine, l'Iran et le Hezbollah. Dans une moindre, les pays arabes, notamment l’Arabie saoudite et le Qatar, et les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis et l’Union européenne, ainsi que la Turquie, ont également toutes les raisons pour ne pas avoir la conscience tranquille.

CERTITUDES DU CONFLIT SYRIEN

A 2 mois de la commémoration du 2e anniversaire du soulèvement de la population syrienne contre la dictature de Bachar al-Assad, certaines certitudes du conflit en Syrie sautent maintenant aux yeux. Dans le passé, elles étaient bien en vue à qui voulait bien les voir et ne pas prendre ses désirs pour des réalités.

- Bachar al-Assad est déterminé à rester, quel que soit le prix à payer. Il l’a toujours dit. Il a même affirmé récemment que non seulement « il vivrait et mourrait en Syrie » mais qu’en plus, seules « les urnes diront à tout président de rester ou de partir ». Le ministre russe des Affaires étrangères l’a rappelé il n’y a pas longtemps aussi, « M. Assad a dit à maintes reprises qu'il n'avait l'intention d'aller nulle part, qu'il resterait à son poste jusqu'au bout. Il est impossible de changer cette position. »
- Le régime syrien est loin d’avoir épuisé ses forces. Il n’est pas prêt de tomber contrairement à toutes les prédictions foireuses à la Maya des dirigeants et analystes politiques syro-libanais, arabes et internationaux, débités à longueur de journée, de colonne et d’écran, durant les années 2011-2012. Les « gens du vendredi » ont eu tort (ceux qui nous annonçaient la chute du régime chaque vendredi).
- Le régime alaouite est incapable d’écraser la révolution syrienne en dépit de toutes les horreurs dont il fait preuve et tous les mensonges débités par les médias binationaux de la dictature et des prédictions foireuses à la Maya des dirigeants et analystes politiques syro-libanais, arabes et internationaux, débités à longueur de journée, de colonne et d’écran, durant les années 2011-2012. Les « gens du mardi » ont eu tort (ceux qui nous annonçaient qu’il ne se passe rien en Syrie et qu’Assad mettra fin à la révolte populaire « mardi prochain »).
- Les salafistes et les djihadistes ont un poids de plus en plus grandissant dans le conflit syrien.
- Si le régime du clan alaouite tombe à Damas, sans accord politique, il ressuscitera sous forme d’un Etat des Alaouites sur la côte méditerranéenne, et Lavoisier n’y sera pour rien. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Les infos publiées il y a quelques semaines sur l’entassement de troupes d’élites alaouites dans cette région le prouvent.
- La Russie ne lâchera pas le régime alaouite, pas pour l’amour du régime mais pour préserver les intérêts russes en Syrie coûte que coûte. Cette Syrie de Bachar est pour Poutine un important marché d’armement, un pied-à-terre au Proche-Orient, une échappée en Méditerrané et un obstacle pour le développement du projet d’approvisionnement de l’Europe avec le gaz qatari, rendant le continent indépendant du monopole russe.
- La communauté internationale n’interviendra pas militairement en Syrie, ni à travers l’ONU ni par une initiative collective, avant le franchissement du seuil des 150 000 morts, et encore !, sauf en cas d’utilisation improbable d’armes chimiques par le régime syrien. Ce n’est pas parce que l’Occident manque de compassion, mais parce que jamais une situation n’a été aussi complexe que dans le conflit syrien. Toute intervention serait lourde de conséquences et extrêmement couteuse.
- Le nombre de mort n’a jamais été un paramètre déterminant pour arrêter les guerres. Il ne faut donc pas compter dessus.
- Seule la raison arrête la folie meurtrière des hommes, sauf si le rapport des forces est nettement en faveur de l’un des belligérants, ce qui n’est absolument pas le cas pour l’instant, à moins que les pays arabes et occidentaux décident d'armer massivement les rebelles aux risques de rentrer en confrontation avec la Russie, de prolonger la guerre en Syrie, d'augmenter son cortège de victimes et d'embraser la région, le Liban en tête.

Ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai énuméré ces points. Encore moins pour me vanter d’avoir eu raison d’en parler régulièrement. Mais j’éprouve de la lassitude à lire et à écouter des absurdités depuis quasi 2 ans, genre « le régime syrien rend son dernier souffle ». Eh bien, le « lion » de Damas a depuis longtemps battu le record du petit félidé à sept vies ! Ce n’est pas en lui mentant qu’on aidera la population syrienne. Et si ces certitudes qui sautent aux yeux ne sont toujours pas comprises après 22 mois de conflit, il vaut mieux se faire une bonne soupe au chanvre et s’injecter un jéroboam de Red Bull en intraveineuse, avant de continuer la lecture !

EVIDENCES SUR L’AFFLUX DE REFUGIES AU LIBAN

Le dossier des réfugiés syriens et palestiniens au Liban est un grand défi
pour les gouvernants (8 Mars) et pour la classe politique libanaise, notamment l’opposition (14 Mars). Pas besoin de faire les malins, ni de recourir aux surenchères lyriques, à la démagogie à 5 piastres, à l’exploitation politique de cette tragédie humaine, au conditionnement de la population libanaise, les prochaines élections législatives pourraient transformer les gouvernants d’aujourd’hui en opposants de demain et les opposants d’aujourd’hui en gouvernants de demain. Pour éviter les erreurs de part et d’autre, que l’on soit gouvernant ou de l’opposition, il faudrait, aujourd’hui comme demain, réfléchir sérieusement à la question. Quelques évidences s’imposent d’elles-mêmes :

1. Il est préférable de ne pas réitérer pour la 665e fois l’erreur commise tout au long des années 2011 et 2012, qui a consisté à tirer des plans sur la comète Assad et sur la chute du régime alaouite.
Il y a bel et bien une nuance entre une chute inéluctable et une chute imminente. Dernière bourde en date, revient à Boutros Harb, qui nous a annoncé récemment que la chute du régime syrien est une affaire de quelques semaines. Les mois s’écoulent et le ridicule s’installe. Le 4 décembre 2011, j’avais écrit un article qui est aujourd’hui d’actualité, « Doit-on envisager la moitié d'un quart de seconde que le tyran de Damas pourrait être encore là au printemps 2013 ? (Art.47) ». 2013, on y est. Comme j’aurais aimé me tromper.

2. La chute du clan Assad à Damas, ne signifie pas la fin du régime alaouite en Syrie. Il faudrait l’envisager aussi, pour éviter au moins d’être taxé d’amateurisme. Plusieurs indices confirment l’option « Etat des Alaouites » : l’entassement des troupes d’élite dans cette région situé sur la côte méditerranéenne au Nord du Liban, le mouvement de population alaouite de la Syrie vers la zone et le front des combats qui s’étend aujourd’hui du Sud au Nord, sur un axe avancé qui protège le réduit alaouite (Deraa, Damas, Homs, Hama, Idlib, Alep).

3. La part de responsabilité des rebelles syriens dans l’exode massif de la population syrienne doit être rappelée aux principaux intéressés, notamment au Conseil national syrien (CNS) et à l’Armée syrienne libre (ASL).
La militarisation et la généralisation du conflit furent des choix délibérés. La poursuite de la guérilla mènera à l’amplification de l’exode de la population syrienne et palestinienne. Le CNS et l’ASL doivent en être pleinement conscients. Dans tous les cas, cet exode n’est pas de courte durée. Les rebelles doivent donc assumer pleinement la responsabilité de leurs choix et les conséquences sur les populations civiles, s’ils prétendent vouloir diriger la Syrie de demain. Il en est de même pour tous ceux qui les encouragent dans cette voie.

4. Le CNS et l’ASL doivent envisager une autre issue au conflit syrien que la guérilla.
Celle-ci mène dans une impasse. Il semblerait que l’Arabie saoudite et l’Egypte soient aujourd’hui favorables à une « issue pacifiste » au conflit. Idem pour la Russie qui a estimé en fin d’année par l’intermédiaire du ministre russe des Affaires étrangères « qu’une solution politique pour régler le conflit en Syrie est encore possible ». Tout a été balayé par Assad lui-même dix jours plus tard. Hélas, en écrivant cet article je ne peux m’empêcher de penser aux déclarations de fin d’année de Lakhdar Brahimi. « S'il faut choisir entre l'enfer et une solution politique, nous devons tous travailler sans relâche en vue d'une solution politique. » Depuis son entrée en action le 17 août 2012, le médiateur de l’ONU a présenté plusieurs idées et plans qui se basent sur la « déclaration de Genève » et qui fixe la transition politique en Syrie (qui date de juin 2012, avant les batailles de Damas et d’Alep, on était à 15 000 morts et 93 000 réfugiés au total !). Il prévoyait un cessez-le-feu, la formation d’un gouvernement aux pleins pouvoirs et des élections libres. Ces idées ont toutes été rejetées par Bachar al-Assad, soutenu activement  par le Hezbollah, l’Iran, la Chine et la Russie, qui voudrait s’assurer de l’écrasement de la rébellion avant de négocier, et par les rebelles également, soutenus par les pays arabes et occidentaux et la Turquie, car elles ne prévoyaient pas la fin de la tyrannie des Assad. Et pendant ce temps, c’est la population syrienne qui trinque.

5. Bachar al-Assad est toujours dans le déni de la réalité.
Le discours du président syrien d’hier matin n’apporte aucun élément nouveau. Une lecture approfondie laisse même envisager le pire. Il doit pousser les hommes et les femmes de bonne volonté à doubler leurs efforts. L’ophtalmo de Damas est plus que jamais réfugié dans un déni qui ferait le bonheur de tout psychiatre ou de tout historien pour le moins.

On a retrouvé ce dimanche un chef d’Etat, à la tête d’un pays en ruine, qui affirme naïvement « que le conflit syrien n’oppose pas le pouvoir et l'opposition, mais la patrie et ses ennemis, le peuple et les assassins. » Il prétend que « la nation est pour tous et nous devons tous la protéger... car certains voudraient la partition de la Syrie », oubliant au passage qu’il est celui qui a œuvré sans doute le plus dans cette voie depuis la mort de Saladin à Damas en 1193. Bachar al-Assad se demande après 12 ans d’oppression impitoyable et 2 ans de répression sanglante, quelle est l’utilité de « dialoguer avec les terroristes (allusion l’ASL) ou avec des marionnettes fabriquées par l'Occident (allusion au CNS) » et conclut que « nous dialoguerons avec le seigneur et non avec l’esclave ». S’il a appelé au « dialogue national », il a osé affirmer qu’il n’a pas trouvé de partenaire jusqu’à présent. Tout cela ne l’a pas empêché de poser des conditions préalables : arrêter le financement et la fourniture d’armes aux « hommes armés » par les pays étrangers, arrêter les « opérations terroristes des hommes armés » et contrôler les frontières. Il affirme que toute transition doit « se faire selon les termes de la Constitution », oubliant hypocritement que cette dernière fut  taillée sur mesure pour la communauté alaouite (autour de 10 % de la population syrienne, qui est estimée à 21 millions de personnes) par le clan alaouite (les Assad père et fils) et dans le but d’écraser la communauté sunnite (plus de 70 % de la population).

Ce plan en 3 étapes est pratiquement le même que celui présenté il y a 6 mois, il connaitra donc le même sort, à quelques dizaines de milliers de morts près ! Inutile d’aborder le reste et de rentrer dans les détails, le dictateur syrien est tellement déconnecté de la réalité, qu’il serait difficile de le prendre au sérieux. Et pour s’en rendre compte, il faudrait écouter la fin de son discours. Bachar al-Assad estime en guise de conclusion que « Le printemps n’est qu’une bulle de savon qui disparaitra avec le temps. La Syrie restera plus forte qu’elle ne l’était. Pas de négligence des droits, le Golan nous appartient, la Palestine est notre cause et nous soutiendrons la ‘résistance’ (allusion au Hezbollah). » Mais oui, on connait très bien la chanson sur les « délires schizophréniques » des Assad ! Grace au père et au fils, il n’a jamais fait aussi bon de vivre sur ce plateau, c’est le calme plat depuis 1974 dans ce territoire syrien annexé par Israël en 1981. Sans surprise, le plan-mascarade d’Assad a été rejeté par les rebelles syriens. L’horizon de la Syrie est sombre, très sombre, sauf miracle.

6. La militarisation et la généralisation du conflit par les rebelles syriens est responsable de l’afflux massif de réfugiés au Liban.
Si je suis sévère avec les rebelles c’est parce que je considère que le « paramètre Assad » est une constante évidente depuis le 15 mars 2011. Même depuis le 14 février 2005 ! Que dis-je, depuis le 14 septembre 1982. Je dirais même depuis les hauteurs de Tripoli, de Zahlé et d’Achrafieh ! Tel père, tel fils, le paramètre Assad est une « constante » -depuis que cette funeste famille règne sur la Syrie et le Liban, et il se résume en 2 mots, « répression sanglante »- pas celui des rebelles.

- 1re phase : Lorsque la révolution syrienne était pacifiste
, disons pour simplifier durant l’année 2011, on était à une moyenne de 500 morts/mois (moins durant les premiers mois de la révolte, plus durant les derniers mois de l’année). Fin 2011, on a dénombré 5 000 morts au total. On comptait par ailleurs un peu plus de 10 000 réfugiés dans les pays environnants, près de 5 000 réfugiés au Liban.

- 2e phase : Avec la militarisation du conflit
, disons à partir de l’année 2012, on est passé à une moyenne de 1700 morts/mois durant les 6 premiers mois de l’année, soit 3 fois plus que la moyenne de 2011 ! Le nombre de réfugiés est passé à près de 93 000 réfugiés au total (fin juin 2012 ; soit 9 fois plus que fin décembre 2011), dont 25 000 réfugiés au Liban (fin juin 2012 ; 5 fois plus qu’en 2011).

- 3e phase : Lorsque les rebelles ont décidé de généraliser le conflit
notamment dans les régions de Damas et d’Alep, et d’intensifier leurs attaques contre les forces du régime après l’attentat qui a visé le QG de sécurité de la capitale le 18 juillet 2012, on est passé à une moyenne de 5 200 morts/mois durant les 6 derniers mois de l’année 2012, soit 3 fois plus que le début de l’année 2012 et 10 fois plus que l’année 2011, à l’époque pacifiste. Quant aux réfugiés, on est passé en l’espace de 6 mois de 93 000 réfugiés au total à 577 000 réfugiés dans les pays environnants. Au Liban, on a assisté impuissant à l’explosion des chiffres : en l’espace d’un an, le nombre de réfugiés syriens est passée de 5 000 (fin 2011) à 25 000 (juin 2012), puis 180 000 (début 2013) ! Tous les chiffres correspondent uniquement aux réfugiés enregistrés par le HCR, le Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés. Ils ne prennent pas en compte les déplacés, ces réfugiés à l'intérieur de la Syrie, dont le nombre a dépassé le million depuis plusieurs mois.



Les rebelles ont militarisé et généralisé le conflit, s’engageant dans des batailles de guérilla avec le régime syrien, sans s’assurer les moyens de les gagner, et plus grave encore, sans avoir la capacité de protéger efficacement les populations civiles des escadrons de la mort du régime syrien et empêcher l'exode massif de la population civile. C’est exactement ce que je reproche -entre autres, la liste étant longue- à la milice du Hezbollah. C’est aussi ce que j’ai reproché au général Michel Aoun durant les années 1989 et 1990. Toute décision impliquant la vie des autres doit être murement réfléchie. Nul responsable n’a le droit de mettre en danger toute la population d’un quartier, d’une ville ou d’un pays, avec légèreté et sans préavis, sachant que même les bonnes intentions ne font pas forcément de bonnes décisions !

7. Aujourd'hui, comme hier, tout indique que la guerre de Syrie continuera et s’amplifiera. Il faut donc s’attendre à la poursuite de l’exode vers le Liban, si on tient compte des certitudes sur le conflit syrien -et il le faut au moins sur le plan théorique, surtout quand on a une responsabilité publique (président de la République, Premier ministre, gouvernement, ministres, députés, politiciens, analystes...)- de la militarisation et de la généralisation croissante du conflit et du début de déploiement des missiles américains Patriot par l’OTAN en Turquie. Le HCR estime que s'il n'est pas mis fin au conflit syrien, au rythme actuel de l'exode, 3 000 personnes par jour, le nombre total de réfugiés pourrait doubler d'ici juin (2013) pour atteindre 1,1 million de Syriens dans les pays environnants. Rien, absolument rien, n'indique que nous allons dans le sens de l'apaisement. Donc en toute logique dans 6 mois nous pourrions très bien être face à 400 000 réfugiés syriens au Liban ! Il faudrait alors prévoir dès aujourd'hui toutes les conséquences qui pourraient en résulter. Une gestion du dossier des réfugiés syriens « à la libanaise » serait lourde de conséquences.

La suite, au prochain numéro. J’y reviendrai.