mardi 16 avril 2013

Une journée de terrorisme extraordinaire au Liban comme à Boston (Art.135)


LIBAN.
- Dimanche, frontière syro-libanaise. Bombardement du territoire libanais par l’Armée syrienne libre (ASL), un acte reconnu par l’ASL itself, puis démenti. L’ASL et le régime syrien se renvoient la balle. Bilan : 2 morts. Quels que soient la source et les motifs invo  qués, ce bombardement est abject. Il intervient après plusieurs  menaces, non démenties, proférées par l’ASL dans les semaines et l es mois écoulés, de bombarder le Liban si le Hezbollah ne se retirait pas de la Syrie. C’est aussi un acte terroriste, puisqu’il prend pour cible la population civile libanaise qui n’a absolument rien à voir avec l’intervention de la milice chiite aux côtés du régime alaouite. Si l’ASL a un problème avec le Hezbollah, ce n’est pas à la population libanaise d’en payer le prix.
- Ce bombardement intervient moins d’un mois seulement après l’aveu de Louay al-Mokdad himself, coordinateur politique et médiatique des rebelles syriens, un aveu non démenti, que des combattants de l’opposition syrienne se trouvent actuellement sur le sol libanais. Une déclaration grave qui n’a suscité aucune réaction de la part des autorités libanaises, ainsi que des politiciens toutes tendances confondues, notamment du 14 Mars. L’ASL doit se retirer immédiatement du Liban et sans condition.
- Depuis des mois. L’armée de Bachar el-Assad, procède régulièrement à des bombardements infâmes du territoire libanais. Des violations non condamnées par toutes les composantes du 8 Mars.
- L’extension du conflit syrien au Liban menace non seulement la population libanaise mais aussi les réfugiés syriens. Un conflit entre l’armée régulière syrienne et l’Armée syrienne libre sur le territoire libanais, risque de transformer un million de réfugiés syriens en « hôtes indésirables ».
- L’intervention de la milice du Hezbollah en Syrie met en danger le Liban tout entier, notamment la communauté chiite. Cette dernière devrait en tirer les conséquences qui s’imposent au plus vite, notamment à la veille des élections législatives. Le Hezbollah a mis la communauté chiite en marge de son environnement libanais, arabe et international.
- Le mutisme de certains, notamment du 14 Mars, quand ce sont les rebelles syriens qui violent la souveraineté libanaise est inexcusable. En trouver des justifications, l’est davantage.
- Il est urgent que l’Etat libanais contrôle sa frontière avec la Syrie, comme celle avec Israël, comme tout pays souverain et comme tout pays responsable, en déployant l’armée libanaise le long des frontières. Ce point doit s’imposer comme un thème électoral aux prochaines élections législatives.

SYRIE

L’enlisement de la situation en Syrie est dû en grande partie à la stratégie foireuse des rebelles syriens, qui est basée sur la guérilla, et non à la faute des pays occidentaux, notamment des Etats-Unis, de refuser de livrer des armes aux opposants syriens, malgré les déclarations impulsives de François Hollande. Non seulement, les guérillas sont longues et coûteuses, humainement et financièrement (celle de Syrie n’échappe pas à la règle), mais en plus, la nébuleuse fondamentaliste de Syrie, et le précédent Libye-Mali, dissuade de le faire. La solution en Syrie n’est pas militaire. Les armes ne feront que prolonger le conflit et le drame syriens. La militarisation et la généralisation du conflit syrien sont responsables de l’amplification du désastre syrien. 25 mois d’affrontements, une centaine de milliers de morts, des centaines de milliers de blessés, plusieurs millions de déplacés à l’intérieur des frontières et à l’étranger (dont un million au Liban !), des dizaines de milliards de dollars de dégâts, et le dernier tyran des Assad réside toujours à Damas. Etant donné les paramètres du conflit, notamment la constance de la barbarie du régime syrien, il revient aux rebelles eux-mêmes de changer de stratégie, pour se débarrasser de Bachar el-Assad et mettre en place la Syrie de demain.

IRAK
 
Une série d’attentats à la voiture piégée, 50 morts (plus de la moitié à Bagdad), 300 blessés. Attentats non revendiqués. Suspect numéro 1 : al-Qaeda. Le chaos ordinaire depuis l’intervention américaine de W en Irak, en mars 2003. C'est pour le moins inquiétant, à un moment où un important groupe de rebelles syriens a fait allégeance à cette organisation terroriste.

ETATS-UNIS

Deux explosions lors d’un marathon à Boston. 3 morts, plus de 100 blessés. Attentats non revendiqués. Suspects multiples. Certains les relient à la situation en Syrie. Absurde. En tout cas, Barack Obama, qui a courageusement mis fin aux interventions américaines impulsives en Afghanistan (toujours dans le chaos) et en Irak (plus que jamais sous l’emprise de l’Iran), ne s’enlisera pas dans le bourbier syrien, surtout avec la montée en puissance des djihadistes, des salafistes et des Frères musulmans. Non, ce ne sont pas les tergiversations de Barack Obama qui ont conduit à la montée du fondamentalisme en Syrie et qui ont jeté le Front al-Nosra dans les bras d’al-Qaeda. Désolé, mais depuis le début de la Révolution syrienne, le 15 mars 2011, les importantes manifestations anti-régimes se font sous l’ombrelle religieuse : elles étaient organisées les vendredis, avec des départs qui se faisaient des mosquées, sous les cris d’« Allah wou akbar ».

Il est grand temps de se débarrasser de deux affreuses habitudes orientales que nous avons, qui consistent à faire l’autruche et à nous décharger des corvées sur les autres ! Les révolutions arabes sont toutes, sans aucune exception à présent, des révolutions contre les régimes totalitaires en place et non contre les autorités religieuses, pour libérer l’individu arabe de l’aliénation des soutanes. Quand je pense qu’un jour, un certain historien, Jean Tulard, auteur d’une cinquantaine d’ouvrages, a écrit dans le prestigieux journal Le Monde, au lendemain des émeutes en Tunisie, qu’il s’agissait de « L’an 1789 de la révolution tunisienne », j’ai la certitude que l’habit ne fait pas le moine ! Il revient aux Syriens eux-mêmes de rejeter sans ambiguïté le fondamentalisme, pour mettre en place une société laïque dans une Syrie multiconfessionnelle et multicommunautaire.

dimanche 7 avril 2013

Même dans les paradis fiscaux, les funérailles sont à 15h ! Offshore Leaks (Art.132)


DEFINITION
Paradis fiscal, refuge fiscal ou oasis fiscal, ce ne sont pas les appellations qui manquent pour désigner un territoire où la fiscalité est insignifiante, voire inexistante, par rapport aux pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques qui regroupe des pays d'Europe et d'Amérique du Nord, incluant entre autres, l'Australie et la Turquie).

L’AFFAIRE « OFFSHORE LEAKS » EN DEUX MOTS
Il s’agit de la plus importante collaboration journalistique jamais réalisée, conduite par l'International consortium of investigative journalists (ICIJ), 38 médias internationaux et 86 journalistes, sur un sujet tabou, au moins top secret : les paradis fiscaux.

QUELQUES ELEMENTS POUR COMPRENDRE « OFFSHORE LEAKS »

- Tout a commencé il y a plus d’un an quand l’ICIJ a mis la main sur plus de 2,5 millions de documents (emails, correspondances, etc.) grâce à d’anciens salariés de sociétés financières offshore. Une masse de données informatiques qui représente 260 gigabits. C’est 162 fois plus que Wikileaks ! Face à l’ampleur de la tâche, l’ICIJ a proposé à divers médias de participer à l’analyse de ces données (Washington Post, CBC, Le Monde, Guardian, etc). Les infos commencent à être révélées progressivement depuis le 4 avril.

- Nul besoin d’être une île et d’avoir des palmiers pour être classé sur la liste des paradis fiscaux. Une faible taxation financière, une grande opacité bancaire et l’absence de coopération internationale, suffisent ! Tenez, par exemple, le Royaume-Uni est bel et bien un paradis fiscal ou un apparenté. « Bruxelles, on a un problème ! » La Suisse et Monaco, naturellement. Donc, il n’y a pas que les îles mythiques qui sont des paradis fiscaux, les Etats-Unis et l’Europe, ont également leurs propres paradis fiscaux (Delaware, Wyoming, Nevada, Liechtenstein, Luxembourg, City de Londres, Jersey, Guernesey, etc.).

- Qui sont ces évadés fiscaux de l'Offshore Leaks ? 122 000 sociétés offshores. 12 000 intermédiaires. 170 nationalités. 4000 Américains. 130 Français. Mais non, il n’y a pas que Jérôme Cahuzac (ancien ministre français) et Gérard Depardieu (acteur), qui sont préoccupés par des fins de mois difficiles. Il y a par exemple la famille Rothschild, dont le nom apparaît massivement, mais aussi la famille Grossman, propriétaire de Celio, et l’ancien trésorier de campagne de François Hollande. Walao! On retrouve parmi ce beau monde, des proches de Poutine, la famille du président de l’Azerbaïdjan, le Premier ministre de Géorgie, la fille du dictateur philippin Marcos, l’héritier d’Opel, l’entourage de tous les despotes organisés sans doute, des dentistes américains, des trafiquants d’armes, des villageois grecs, des cols blancs et d’autres philanthropes de leurs nombrils. On saura plus ultérieurement.

- Les paradis fiscaux de l’affaire Offshore Leaks : les îles Vierges britanniques, Caïmans, Cook, Samao, Singapour, etc.

- Les banques impliquées dans l’affaire Offshore Leaks : ING (néerlandaise), BNP Paribas (française), Crédit agricole (française), etc.

EN QUOI LES PARADIS FISCAUX POSENT PROBLÈME
 
- On estime à près de 32 000 milliards de dollars la somme des dépôts cachés dans tous les paradis fiscaux et détenus par des sociétés écrans et des particuliers. Une somme astronomique. C’est l’équivalent des PIB des Etats-Unis et de l’Union européenne !

- Ces sommes sont à l’abri des taxations « communes » des pays d’origine, soustraites aux investissements quoiqu’on dise, alors que tous les pays du monde traversent l’une des crises financières les plus graves de leur histoire ! On estime chaque année à 250 milliards de dollars le manque à gagner pour les gouvernements de la planète.

- Cette enquête montre à quel point les contrôles sont désuets et inefficaces. La coopération des Etats est décidément insuffisante.

- Afin de pouvoir étudier le problème, le réseau pour la justice fiscale, Tax Justice Network (TJN), une organisation de chercheurs et d’activistes, a créé il y a quelques années « l’indice d’opacité financière », pour classer les Etats. Cet indice permet aujourd’hui de dresser une liste fiable des paradis fiscaux. Selon la TJN, la Suisse offre des « conditions optimales pour masquer l’évasion fiscale internationale, le blanchiment d’argent et autres transactions financières illicites ». En tête du classement, on retrouve aussi le Luxembourg, les Etats-Unis (Delaware), les îles Caïman, le Royaume-Uni (City de Londres), l’Irlande, Singapour, la Belgique, Jersey, l’Autriche, le Bahreïn, les Pays-Bas, le Portugal (Madère) et Chypre.

- Il faut bien entendu distinguer deux choses : l’évasion fiscale et la fraude fiscale. Même si certaines pratiques sont légales, il existe indiscutablement une faute morale de vouloir se soustraire aux obligations et contraintes financières de son pays... à moins d’avoir le courage et l’honnêteté de renoncer à sa nationalité ! Une nationalité n’est pas un supermarché ou un bazar, on prend ce qui nous donne envie et on laisse ce qui nous déplait.


- Certains justifient le recours aux paradis fiscaux par l’existence des enfers fiscaux. Certes, la pression fiscale fait fuir certains capitaux. Mais, c’est trop facile ! Qui de ces évadés ne va pas rechigner à payer ne serait-ce que 5 % d’impôt ou de taxations diverses ? Cet argument est fallacieux, car on sait que l’évasion fiscale existe de tout temps et sous tous les gouvernements. En tous cas, heureusement, que tout le monde ne fuit pas les taxations et les impositions ! Sinon, tous les pays déposeraient les bilans. Elle est là aussi la faute morale. Non, ce n'est pas comme on dit au Liban: , chou wé2fit 3leiyé! Oui, la responsabilité de tout un chacun est engagée. En tous cas, le secret bancaire et certains montages juridiques (sociétés écrans, trust..) encouragent l’évasion fiscale. C’est tellement commode!

- Et dire que les banques, qui contribuent directement ou indirectement à ce trafic, viendront mendier des sous aux Etats à la prochaine secousse financière! Pathétique.

- Il ne sera pas possible de lutter contre le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme dans le monde avec des paradis fiscaux bien fleuris, des secrets bancaires bien gardés et des sociétés écrans bien camouflées.

- Les dirigeants politiques ne doivent pas se défiler en prenant les financiers pour des bouc-émissaires. Ils doivent avoir le courage de légiférer dans ce domaine pour renforcer les contrôles et harmoniser les législations, notamment au niveau de l’Union européenne. En matière d’évasion fiscale, l’Europe et les Etats-Unis sont hypocrites, pour ne pas dire schizophréniques.


ET LE LIBAN DANS TOUT ÇA ?

Nous ne sommes qu’au début des révélations. On saura plus dans les prochains jours. Mais franchement, le Liban a beau manqué de verdure et s’enlaidir à vue d’œil, il n’empêche que le pays du Cèdre est une adaptation libre du paradis fiscal, une sorte de système fiscal hybride. En tout cas, le Liban figure bel et bien parmi les 96 paradis fiscaux recensés!

Il faut dire que certaines pratiques dans notre pays sont louches. Vous allez croire que je blague. Je jure sur la tête du lascar Michel Hayek que non ! Des Libanais viennent déposer sur leur compte bancaire 50 ou 100 000 dollars en espèce, des billets transportés dans un sac poubelle -sans doute l’ingéniosité libanaise, pour passer incognito comme chaghil warché aw cabaret. Sur le plan économique, notre pays est grabataire. Il n’y a qu’à comparer le marasme de Beyrouth au dynamisme d’Istanbul ! Les magasins de nos centres commerciaux sont vides à toutes heures et en toutes saisons. Et pourtant, ils ne mettent pas la clé sous la porte et les sacs poubelles remplis de dollars continuent à affluer dans les banques libanaises. Bizarre, n’est-ce pas !

Toujours est-il, l’indice d’opacité financière de la Tax Justice Network classe notre beau pays en bonne position. Nous sommes à la 22e place SVP. Notre score d’opacité (91/100), nous donne comme voisins de comptoir, la Suisse (100), les Bahamas (100), les Etats-Unis/Delaware (92), le Bahreïn (92), les Emirats (92), les îles Cayman (92), les Bermudes (92), l’Autriche (91) et Israël (90), loin devant Monaco (67). Je suis sûr que certains compatriotes trouveront de quoi s’enorgueillir ! C’est sans doute le seul paramètre qui nous a valu le qualificatif déplacé, d’être la « Suisse de l’Orient ». Sur les autres plans, la comparaison prête au sourire pour qui connait l’originale. Il vaut mieux qu'on mise sur le chanvre et la kalachnikov que sur le chocolat et les montres. A moins de se lancer dans la fabrication de chocolat au chanvre et des montres d'assaut !


EN GUISE DE CONCLUSION

Les évadés de l’offshore doivent savoir, qu’ils ne seront pas mieux lotis que leurs congénères onshore sur un paramètre. Quelque soit l’importance de leur fortune dissimulée et qu’importe les avantages qu’ils y trouvent, l’argent de ce monde restera dans ce monde, les funérailles sont fixées à 15h, même dans les paradis fiscaux !