lundi 26 janvier 2015

Le roi est mort, vive le roi ! De Raif Badawi à Mohammad ben Nayef, en passant par Abdallah, Salmane et Moqrin ben Abdel-Aziz al-Saoud, bienvenue dans l’Arabie saoudite de transition (Art.270)


A croire un certain Bono, « you miss too much these days if you stop to think ». J’ai arrêté de penser quelques jours et apparemment, j’ai raté deux événements au moins. Pas la peine de s’attarder trop sur les enfantillages des potiches de l’Universe, le selfie de Miss Israël avec Miss Lebanon khalfie, passons directement à l’autre événement qui s’est transformé, bé sé7ir sé7èr, en un enjeu national libanais, la mort du roi Abdallah. Le décès du monarque saoudien était non seulement prévisible étant donné son âge avancé et son état de santé, mais tout le monde savait qu’une telle disparition ne bouleversa pas la politique nationale et internationale de l’Arabie saoudite à court terme. L’explication de cette transformation est évidemment ailleurs. Elle réside dans la méfiance, le mépris et la phobie que suscite le royaume saoudien dans une frange des communautés libanaises, chiite et chrétienne, du Hezbollah et du Courant patriotique libre pour être précis. Et pour cause !

Nul ne peut contester le fait que l’Arabie saoudite lutte depuis l’avènement de la République islamique d’Iran en 1979 contre l’ingérence des mollahs iraniens dans les affaires politiques et sociales de leurs voisins proches et lointains. Hier comme aujourd’hui, ils profitent souvent des communautés chiites locales, pour s’immiscer dans les affaires des pays arabes, aussi bien en Irak, en Syrie et au Liban, qu’au Bahreïn, en Palestine, en Egypte et au Yémen. Plusieurs câbles diplomatiques américains révélés par Wikileaks, ont permis de mesurer cette grande inquiétude des pays arabes, à juste titre et à juste raison, par rapport à la politique expansionniste chiite iranienne au Moyen-Orient et la menace que le régime des mollahs fait peser à toute la région. On apprend par exemple dans certains câbles rédigés entre 2008 et 2010, que le roi Abdallah justement a affirmé que « l'objectif de l'Iran est de causer des problèmes (...) on ne peut pas faire confiance aux Iraniens ». Le souverain saoudien avait prévenu les Américains que « si l'Iran parvenait à développer des armes nucléaires, tout le monde, dans la région, ferait de même ». Voilà pourquoi « il a appelé fréquemment les Etats-Unis à attaquer l'Iran pour mettre fin à son programme nucléaire ». Il leur a carrément conseillé de « couper la tête du serpent ». On apprend également, dans d’autres câbles diplomatiques, que Muqrin, le nouveau prince héritier (le plus jeune des fils d’Abdel-Aziz, le fondateur de l’Arabie saoudite), craignait déjà en 2009 que « le croissant chiite ne soit pas en passe de devenir une pleine lune ». C’est pour dire la place qu’occupe l’Iran dans l’esprit des dirigeants saoudiens.

Il est à noter par ailleurs que l’action de l’Arabie saoudite n’est pas dirigée uniquement contre les extrémistes chiites, elle concerne également les extrémistes sunnites, n’en déplaise aux propagandistes de tout poil. Nul ne peut contester le fait, là aussi, que le royaume wahhabite lutte aussi contre les « Frères musulmans » en Egypte et contre « l’Etat islamique / Daech » en Irak et en Syrie, des groupes considérés comme subversifs et ennemis de l’islam. C’est dans ce but que le roi Abdallah a fait inscrire en mars 2014, les Frères musulmans, Jabhat al-Nosra et Daech sur la liste des organisations terroristes, et a engagé les troupes de son pays aux côtés des Etats-Unis en septembre 2014, afin d’anéantir cette dernière.

On trouvera certainement beaucoup de choses à redire sur l’Arabie saoudite, sur les libertés fondamentales en général et sur le droit des femmes en particulier. Toutefois, la question qui a un réel intérêt aujourd’hui n’est pas de savoir si on doit être révolté ou pas, entre autres, par l’interdiction qui est encore faite aux femmes saoudiennes de conduire, devant la sentence délirante infligée au blogueur saoudien Raif Badawi ou face à la décapitation d’une femme en pleine rue de la Mecque, trois informations qui ont défrayé la chronique récemment. Aucun être libre et esprit sain, saoudien ou pas, ne peut rêver d’une telle société. C’est une évidence. Ce qui est intéressant plutôt c’est de savoir si ce que l’on reproche à l’Arabie saoudite, on ne peut pas le reprocher aussi à d’autres pays du monde aujourd’hui ou en d’autres temps ? Eh oui, la mise en perspective spatio-temporelle est toujours riche d’enseignements. Elle a la faculté de calmer l’ardeur des islamophobes engagés ou refoulés, et surtout, elle permettra de savoir si l’Arabie saoudite a évolué, évolue et évoluera, comme tous les pays du monde.

Sommes-nous si sûrs qu’au Liban, en Chine, au Japon ou aux Etats-Unis, une femme étrangère qui a torturé et tué sa belle-fille de 7 ans, ne sera pas condamnée à mort, même par des catholiques, des bouddhistes ou des protestants ? Oui mais elle ne sera pas décapitée sauvagement, j’avais oublié. C’est c’là oui, parce que l’exécution des gens par pendaison, injection d’une substance létale et chaise électrique -en petit comité, à l’abri des regards, derrière une vitre épaisse, pour ne pas entendre les cris de supplice, et pour ne pas choquer Homo erectus consumptor, ce qui pourrait freiner la consommation de la ménagère de moins de 50 ans, et menacerait la croissance économique- alors qu’Amnesty International n’en finit pas de reporter des cas de condamnés à mort qui agonisent pendant d’interminables minutes avant de rendre l’âme, sans parler de l’exécution de gens innocents à cause des erreurs judiciaires, est beaucoup plus civilisée ? Foutaises. Il n’y aurait pas eu François Mitterrand, qui a courageusement aboli cette sentence barbare, seulement en 1981, alors que la majorité des Français de l’époque y était favorable, la guillotine fonctionnerait peut-être encore en France et en Europe.

Autre interrogation. Quand un quotidien américain comme le très prestigieux New York Times, qui est édité à l’ombre de la Liberté éclairant le monde, la célèbre Statue de la Liberté, n’ose même pas publier la « une miséricordieuse » de Charlie Hebdo (et se contente de la décrire !) ou lorsque une chaine d’information continue européenne comme Sky News, interrompt brutalement l’interview avec Caroline Fourest parce que la journaliste française a osé brandir cette « une » en direct, et que tout cela survient dans l’indifférence générale des médias, des politiques et des populations américaines et anglaises, quelques jours seulement après l’exécution sommaire par des terroristes islamistes de 12 journalistes dont le seul crime fut qu’ils s’étaient exprimés librement dans le respect des lois en vigueur en France, peut-on se hachtaguer #JeSuisRaif et s’ériger ensuite contre la barbarie de la sentence infligée au blogeur saoudien de 31 ans, Raif Badawi, 10 ans de prison et 1000 coups de fouet, « pour s’être exprimé »? Je doute fort. A propos, sachez que quelques jours avant sa mort, le cabinet du roi Abdallah a demandé à la Cour suprême saoudienne de réexaminer le dossier du jeune blogueur qui milite courageusement depuis plusieurs années pour « la libéralisation religieuse » en Arabie saoudite. L’élément déclencheur de sa descente en enfer est une affirmation qu’il a rapportée, que beaucoup d’hypocrites qui demandent sa libéralisation ne partagent probablement pas : « musulmans, chrétiens, juifs et athées sont tous égaux ». Raif Badawi sera gracié un jour. On se contentera des flagellations qu'il a eues, en considérant que celles-ci lui serviraient de leçon. Il passera quelque temps en prison, avant de rejoindre sa femme et ses trois filles qui sont déjà installées au Canada. Il ne peut en être autrement.

Passons maintenant au statut injuste de la femme en Arabie saoudite qui fait couler beaucoup d’encre et d’octets. Etant donné le nombre d’âneries que j’ai lu ou entendu ces derniers jours, il convient de rappeler quelques faits. Dès son intronisation en 2005, le roi Abdallah avait fait savoir qu’il était favorable au droit des femmes de conduire. « La question exigera de la patience (...) Je crois que le jour viendra où les femmes conduiront ». Comme on dit en français, parfois, on ne peut pas aller plus vite que la musique, surtout dans un pays ultraconservateur. Toujours est-il que si la femme saoudienne reste sous la tutelle de l’homme saoudien, ce qui peut choquer les bobos sans frontières, il faut tout de même préciser qu’elle a un accès total à l’enseignement supérieur et partiel au marché du travail. Il faut savoir par ailleurs, que la réforme du régime matrimonial de 1804 en France, n’est intervenue que 161 ans après son entrée en vigueur. Ce n’est qu’en 1965 que la femme française a acquis le droit de gérer ses biens, ouvrir un compte en banque et exercer une profession sans l'autorisation de son mari. Ah si ! Pour l’histoire aussi, sachez que le Code Napoléon avait consacré l'incapacité juridique de la femme mariée. Étant considérée comme mineure, la femme était entièrement sous la tutelle de ses parents, puis de son époux, comme en Arabie saoudite, eh na3am. Pour ce qui est du droit de vote, dès cette année, le roi Abdallah avait prévu d’accorder aux Saoudiennes le droit de vote et le droit de se présenter aux élections municipales. Là aussi, pour rappel, les femmes françaises ont dû attendre 156 ans après l’affirmation dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui est sans ambiguïté quant à savoir que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », pour n’obtenir finalement le droit de vote qu’en 1945, soit 52 ans quand même après la Nouvelle-Zélande. Soyons clairs, il ne s’agit en rien d’excuser des pratiques d’un autre âge, mais de relativiser les choses et de tempérer l’arrogance des ignares.

Autre élément à mettre sur le compte du roi Abdallah, l’instauration d’un quota féminin de 20 % au Majlis al-choura, soit 30 femmes au total pour cette Assemblée consultative d’Arabie saoudite. Par comparaison, le Liban, qui est sans quota, ne compte que 4 malheureuses députées sur 128. Si on exclut Gilberte Zouein et Nayla Tuéni, pour des raisons évidentes, étant des députées en état de veille médiatique depuis plus d’un mandat, le taux de féminisation du Parlement libanais, passe de 3,1 %, le même niveau que l’Iran et la Papouasie, à 1,5 %, un peu mieux que le Yémen et Vanuatu. Donc, les Libanais outrés par la condition de la femme saoudienne devraient plutôt se soucier de la condition de leurs congénères. Avec Miss Zouein présidant « la commission parlementaire de la femme » et Miss Tuéni comme « rapporteuse », il n’y a vraiment pas de quoi dormir sur nos lauriers avec ce duo de choc !

Et puisqu’on est dans la comparaison, allons plus loin. Alors que nous sommes sans président depuis plus de 8 mois, par la faute personnelle de Hassan Nasrallah et son allié Michel Aoun, les défenseurs zélés du Liban, dont la République libanaise se passerait bien -eh oui, je recycle mes formules !- trouvent encore à redire sur le régime saoudien. Pathétique. Ce qui frappe avec le décès du roi Abdallah est l’étonnante célérité avec laquelle on a proclamé la triple nomination de Salmane ben Abdel-Aziz comme nouveau roi d'Arabie saoudite (on sait d’après les documents de Wikileaks, que pour le nouveau monarque, les réformes du royaume doivent être poursuivies avec prudence sans se mettre à dos le camp ultraconservateur), de Muqrin ben Abdel-Aziz comme nouveau prince héritier et prince de la couronne saoudienne (étant donné que le roi Salmane est affaibli par des problèmes de santé, c’est le prince héritier Muqrin, le dauphin du roi Abdallah, de mère yéménite, qui pourrait rapidement prendre les rênes du pouvoir, voire devenir roi assez rapidement ; il représente la frange la plus libérale de la famille royale et ce n’est pas par hasard qu’il fut désigné dès le mois de mars 2014, par le défunt roi Abdallah lui-même, comme « le prince héritier du prince héritier »), et de Mohammad ben Nayef comme vice-prince héritier du trône saoudien (actuellement ministre de l’Intérieur ; il sera le premier petit-fils d’Abel-Aziz Al-Saoud à accéder au trône, d’ici une vingtaine d’années, marquant sans aucun doute une ère nouvelle pour l’Arabie saoudite ; il est connu pour sa lutte contre al-Qaeda). Dans cette célérité il faut voir une double volonté des dirigeants saoudiens, d’une part, d’assurer la continuité du pouvoir, dans un pays où des courants ultraconservateurs voient d’un très mauvais œil certaines réformes royales, où les prétendants au trône sont très nombreux et où une frange de la communauté chiite, téléguidée par l’Iran, tente d’exploiter les failles du Royaume sunnite, et d’autre part, de rassurer la communauté internationale, dont l’économie reste dépendante du premier exportateur de pétrole au monde.

Ah, une dernière chose qui révolte nos zélés, le deuil national décrété par le Liban en hommage au roi Abdallah. Et pourquoi pas pour nos soldats morts pour la patrie ? En théorie, je serais d’accord. C’est d’autant plus ridicule, que la famille Al-Saoud elle-même n’organisera pas une période de deuil national et ne prévoira pas de fermeture des administrations publiques aussi longues. Mais comme tout au Liban, le problème réside dans l’hypocrisie qui se cache derrière cette protestation, qui ne tient pas compte du fait que tout roi saoudien est quand même pour tous les musulmans du Liban, notamment de la communauté sunnite, le Gardien des deux Saintes mosquées. En tout cas, qui est soucieux de la vie des soldats libanais, n’a qu’à exiger urbi et orbi le retrait de la milice du Hezbollah du bain de sang syrien, le déploiement de l’armée libanais le long de la frontière syro-libanaise et le contrôle d’une main de fer de cette dernière. Qui est outré par ce long deuil national n’a qu’à refuser haut et fort l’aide généreuse octroyée par l’Arabie saoudite à l’armée libanaise, des armes achetées à la France pour un montant total inespéré de 4 milliards de dollars ! Pathétiques. Si les Saoudiens ont commis des erreurs dans le passé, c’est d’avoir évité à maintes reprises la faillite économique de l’Etat libanais, par des dépôts financiers massifs, et surtout d’avoir oublié l’avertissement d’Abou Tayeb al-Mutanabbi : 
إذا أنتَ أكْرَمتَ الكَريمَ مَلَكْتَهُ      وَإنْ أنْتَ أكْرَمتَ اللّئيمَ تَمَرّدَا

Une toute dernière chose. Le roi Abdallah repose dans une tombe d’un cimetière public de Riyad, sans faste ni fioriture ni aucune inscription, selon les traditions de l’islam. Tout un symbole qui rappelle à tous, homme et femme, que l’on soit roi ou blogueur, ultraconservateur ou ultralibéral, religieux ou profane, riche ou pauvre, musulmans, chrétiens, juifs ou athées, nous sommes tous des mortels, l’enterrement est à 15h et personne n’emporte rien avec lui.

lundi 12 janvier 2015

« Où est Charlie ? » Photos-souvenirs de la manifestation parisienne d'hommage à Charlie Hebdo (Art.267)



Quand le street art s'invite à une manifestation historique ! « Où est Charlie ? » s’est demandé ce jeune parisien hier. Il

était sans doute dans l’esprit de chacun des 2 000 000 de citoyens qui ont battu le pavé de Paris, avec un courage, un humanisme, une maturité, un sens des responsabilités et un civisme impressionnants, pour rendre hommage aux 17 victimes des attaques terroristes du 7-Janvier et affirmer les valeurs de la République française, dont la Liberté d’expression, ainsi que l’Egalité et la Fraternité entre tous les citoyens de ce pays, sans distinction d’origine, de race ou de religion. « Nous sommes tous Charlie » est plus qu’un slogan éphémère. Une nouvelle fois, le peuple français montre au monde entier, à travers cette marche républicaine, que la France est une grande nation.

Réf. 
La Marche sur Paris pour affirmer les valeurs républicaines de la France (Art.266) Bakhos Baalbaki

dimanche 11 janvier 2015

La Marche sur Paris pour affirmer les valeurs républicaines de la France (Art.266)


1. A pied ou à cheval, à dos d'âne ou de chameau, à vélo ou en roller, en moto ou en voiture, par bateau ou par avion, debout, à quatre pattes, en fauteuil ou sur un lit d'hôpital, tous les CHARLIE du monde, et moi et moi et moi, marcheront aujourd’hui sur Paris pour rendre hommage aux 17 victimes des attaques terroristes du 7-Janvier.

2. Les Chralie du monde battront le pavé parisien, de France et de Navarre, pour :
- primo, braver le terrorisme,
- secundo, affirmer les valeurs du monde libre en général, et de la République française en particulier, dont la Liberté d’expression, ainsi que l’Egalité et la Fraternité entre tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion, comme le précise la Constitution française,
- et tertio, envoyer un message clair aux terroristes et à ceux qui les recrutent, entrainent, financent, télécommandent et se réjouissent de leurs actes abominables, qu’il y aura un avant le 7-Janvier et un après le 7-Janvier.

3. La marche partira de place de la République vers la place de la Nation à 15h. Il y aura trois itinéraires : via boulevard Voltaire, via place de la Bastille ou via le cimetière du Père-Lachaise. Le ciel parisien est Charlie aujourd’hui ! D’un bleu éclatant, il fera beau, mais frais. L’ensemble des transports en commun de l’Ile-de-France sera gratuit à partir de midi. Mais ce n’est ni une raison suffisante ni le jour pour préférer se rendre à Vaux-le-Vicomte plutôt qu’à Paris, Fouquet’s y sera aussi.

4. Tous les partis politiques français participeront à cette manifestation historique, à l’exception du Front national, qui défilera à part. La polémique autour de la participation de ce dernier, sur laquelle je ne m’attarderai pas, est non seulement regrettable, mais elle montre une certaine immaturité des partis politiques français, FN compris. Dommage.

5. L’enjeu de cette manif se reflète dans les motivations de la « marche républicaine » exposées précédemment, mais aussi dans le gratin qui défilera dans les rues de Paris aujourd’hui. La participation de François Hollande, président de la République en exercice, est déjà une première, enfin, une seconde dans l’histoire de la France. Une cinquantaine de chefs d’Etat, de Premier ministre et de ministres, répondront à l’appel, dont Angela Merkel (Allemagne), David Cameron (Royaume-Uni), Gebran Bassil (Liban), Mahmoud Abbas (Palestine), Ahmet Davutoglu (Turquie), Ramtane Lamamra (Algérie), Abdallah ben Zayed Al-Nahyane (Emirats), Mehdi Jomaa (Tunisie), Sameh Choukry (Egypte), Benjamin Netanyahu (Israël), Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Mahamadou Issoufou (Nigéria). Si j’étais Barack Obama, je me rendrais. Certains diront que dans ce beau monde, il y a des noms qui n’ont pas leur place sur le pavé parisien aujourd’hui. Mais là aussi, il s’agit pour moi d’une polémique immature et stérile sur laquelle nous ne devons pas s’arrêter.

6. L’ensemble des autorités religieuses en France participeront à la « marche républicaine ». Le Conseil français du culte musulman (CFCM), qui représente l'islam de France, ainsi que l'UOIF, organisation proche des Frères musulmans, ont appelé également les citoyens de confession musulmane à rejoindre « massivement » les manifestations nationales aujourd’hui. Comme l’a précisé, Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande mosquée de Paris, « Nous insistons sur la volonté des citoyens musulmans de France de marquer par leur présence massive, outre leur refus total de la violence terroriste en France, leur compassion pour toutes les victimes (...) Nous demandons à ce que tous les citoyens de confession musulmane rejoignent les lieux de rassemblement républicain qui marquent le refus de la Nation tout entière de se voir divisée par des actions terroristes agissant avec des motivations idéologiques venues de l’étranger. »

7. Alors que Charlie hebdo n’a jamais été tendre avec l’Eglise catholique, le pape François a souligné à la suite de l’attaque du 7-Janvier que « l’attentat d'hier à Paris nous fait penser à toute cette cruauté, cette cruauté humaine ;  à ce terrorisme, que ce soit un terrorisme isolé ou un terrorisme d'Etat ». Au même moment, le glas de la cathédrale Notre-Dame de Paris a sonné à midi le jour du deuil national. Deux jours plus tard, le cardinal André Vingt-Trois a adressé un message au clergé catholique, qui sera lu à l'issue de toutes les messes du diocèse de Paris ce dimanche. Dans ce message l'archevêque de Paris constate que « la majeure partie de nos concitoyens ont vécu cette situation comme un appel à redécouvrir un certain nombre de valeurs fondamentales de notre République comme la liberté de religion ou la liberté d’opinion ». Il a rappelé « qu’une caricature, même de mauvais goût, une critique même gravement injuste, ne peuvent être mises sur le même plan qu’un meurtre ». Celui qui a été caricaturé avec mauvais goût et vulgarité par Charlie Hebdo, comme le montre cette caricature que tous les chrétiens jugeront blasphématoire, pense que « la liberté de la presse est, quel qu’en soit le coût, le signe d’une société mûre ». Enfin, le haut représentant de l’Eglise catholique en France a mis en garde contre l’extrémisme et les amalgames : « Que la modération, la tempérance et la maîtrise dont tous ont fait preuve jusqu’à présent se confirment dans les semaines et les mois qui viennent; que personne ne se laisse aller à l’affolement ou à la haine; que nul ne se laisse aller à la facilité d’identifier quelques fanatiques avec une religion tout entière ».

8. Il est clair, qu’on ne pourra pas plaire à tout le monde. Le bal des râleurs a commencé depuis mercredi midi, en parallèle avec les délires des comploteurs et fumeurs de moquette. Pas la peine que les crocodiles nous jouent le disque raillé #JeNeSuisPasCharlie. Ce débat me rappelle ceux qui récusent de se mobiliser pour la cause animale, alors qu’au fond, ces hypocrites cœurs de pierre ne sont pas plus sensibilisés pour autant par les causes humanitaires. Certes, il n’y a pas d’hiérarchie dans la souffrance humaine. Mais, il faudra sans doute rappeler aux narcissiques arabes, libanais en tête, qui se demandent qui des Occidentaux est #JabalMohsen, #Maaloula, #Alep ou #Moussoul de nos jours, que les 59 parachutistes français et 241 marines américains morts pour le Liban en 1983, l’étaient. Les ambassadeurs français et américain, en poste à Beyrouth et à Benghazi, Louis Delamare et Christopher Stevens, tués en sept. 1981 et sept. 2012, l’étaient aussi. Les militaires occidentaux, Américains et Français, mobilisés depuis août 2014 pour anéantir l’organisation terroriste Etat islamique (en Irak et en Syrie)/Daech le sont actuellement. Sur les plans judiciaire comme financier, sur d'autres plans, le monde nous assiste dans tous les domaines et à chaque épreuve, depuis notre Indépendance ratée en 1943 ! Il faut savoir grandir, pour se montrer à la hauteur des enjeux historiques internationaux. 

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jeudi 8 janvier 2015

L’attaque terroriste de Charlie Hebdo : le 11-Septembre de la France (Art.265)



1. Il n’y a pas de mots pour qualifier l’attaque terroriste qui a frappé Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Quand j’ai appris cette triste nouvelle et j’ai visionné les vidéos qui circulent sur la toile de cette tuerie de sang-froid, les premières images qui me sont venues à l’esprit sont celles des attaques du 11 septembre 2001. Comme aux Etats-Unis, le terrorisme a frappé d’une manière spectaculaire, en plein cœur de Paris, et particulièrement odieuse, douze morts dont quatre grands noms qui ont marqué la France, Charb, Cabu, Wolinski et Tignous, et deux policiers, dont l’un d’origine arabe (précision utile par les temps qui courent), abattus avec une barbarie sans égale. Ce qui s’est passé hier à Paris ni pas moins que le 11-Septembre de la France. Il marquera les esprits des Français et des Occidentaux pendant longtemps. 


2. Cette attaque odieuse est incontestablement un grand succès pour les terroristes qui l’ont commise. Comme celles du 11-Septembre d’ailleurs. Elle l’est à plusieurs niveaux.
D’abord, il faut reconnaitre que supprimer en quelques secondes quatre dessinateurs qui n’ont jamais été tendre avec l’islam (comme avec le christianisme et le judaïsme), est hélas, quatre fois hélas, une opération réussie sur le plan terroriste. Quoique qu’on dise, l’élimination physique de Charb, Cabu, Wolinski et Tignous est irremplaçable, quel que soit la teneur lyrique de l’hommage que nous entendons.
Ensuite, il faut reconnaitre aussi que le but des terroristes est d’intimider les fidèles de la « liberté d’expression » et les adeptes de la « démocratie ». Là aussi, quoique qu’on dise, tout caricaturiste, journaliste et écrivain engagés, ne peut que penser désormais, consciemment ou pas, à cette attaque odieuse avant la publication de toute caricature, tout article ou tout livre, critiquant l’islam.
Enfin, il faut reconnaitre également que l’objectif des criminels est de terroriser les populations mondiales, occidentales en générale, et française tout particulièrement. Rien qu’à parcourir les réseaux sociaux, on s’aperçoit que cet objectif est atteint en partie.
Avec le 11-Septembre, on a attaqué les symboles de la puissance américaine, commercial et militaire, les World Trade Center et le Pentagone, avec le 7-Janvier, on a attaqué les symboles de la puissance française, culturel et politique, la liberté d’expression et la démocratie.


3. Pour mettre en échec le plan des terroristes, qu’ils soient isolés ou pas, il faut tout d’abord que les criminels, et leurs commanditaires éventuellement, soient traqués, attrapés, jugés, condamnés et mis hors d’état de nuire. Mais, ce n’est pas suffisant. Absolument pas, car cela revient uniquement à rendre la justice et honorer nos morts. Il faut aussi assurer coûte que coûte la relève de Charb, Cabu, Wolinski et Tignous (l'Etat français devra garantir la survie financière du journal après ce coup dur et ceci jusqu'à nouvel ordre!), il faut défendre avec la plus grande fermeté la liberté d’expression dans ce pays, il faut préserver la démocratie de la France, il faut résister aux censeurs de tout poil (aucune religion ne doit être à l’abri de la critique même la plus acerbe, l’islam, pas plus que le christianisme ou le judaïsme ; « Dieu, Allah, Yahvé, Baal ou Bouddha » sont des sujets comme les autres, tout résident sur le sol français doit le comprendre !) et il faut ramener les événements à leurs justes valeurs pour couper court aux délires les plus fous. 


4. Cette attaque terroriste soulève plusieurs questions auxquelles il faudrait apporter une réponse à froid. Tous les défenseurs zélés de la France dont la République française se passerait bien -qu’ils soient en France, au Liban et ailleurs dans le monde- doivent d’ores et déjà savoir qu’ils auront beaucoup du mal à exploiter cet événement tragique, pour monter l’opinion nationale et internationale, contre l’islam et les musulmans. Un nom et une anecdote qui montrent le ridicule de ces zélés, Caroline Fourest a conté à sa manière hier soir un élément clé de l’attaque terroriste, alors que toute la presse ne savait pas grand-chose de l’événement. « Il y avait une jeune journaliste, une jeune contributrice de Charlie Hebdo, qui a eu la kalachnikov sur le nez et il (le terroriste) lui a dit : ‘Récite le Coran et je t’épargne’. Et elle récitait ça en boucle, elle disait : ‘il m’a dit ça, il avait de très beaux yeux bleus, il m’a dit ça’. Ou de très beaux yeux. Je ne sais plus. » Selon la féministe de pacotille et des plateaux TV, la terrorisée journaliste de Charlie, à qui le terroriste islamique a demandé de réciter le Coran, avait de « très beaux yeux bleus », ou elle ne sait plus. Eh bien ma cocotte, pour paraphraser Chevènement, sache « qu’une je-ne-sais-plus, ça sait ou ça ferme sa gueule », surtout devant une tragédie nationale.

Toujours est-il que les éléments en notre procession laissent indiquer que l’attaque de Charlie Hebdo est un acte terroriste isolé, l’œuvre de deux frères français d’une trentaine d’années, d’origine arabe, nés à Paris, et d’un complice de 18 ans, d’origine arabe, sans domicile fixe. Les tueurs ont été identifiés et localisés, en quelques heures seulement, grâce entre autre à une pièce d’identité oubliée dans une des voitures empruntées, ce qui prouve l’amateurisme des criminels en dépit de l’acte de barbarie commis. Au passage, les terroristes se seraient plantés d’immeuble et l’un d’eux a perdu sa chaussure en descendant de la voiture ! Il faudra savoir aussi est-ce que les trois individus aurait pu et dû être surveillés, sachant que l’un des frères était impliqué dans une filière djihadiste vers le Moyen-Orient, démantelé il y a quelques années, interpellé alors qu’il s’apprêtait à partir pour le djihad, et condamné à trois ans de prison ? On doit impérativement comprendre pourquoi la présence policière était réduite au strict minimum alors que le journal est menacé depuis longtemps et qu’il a été attaqué dans le passé avec un cocktail Molotov (2 nov. 2011 à l’occasion de la sortie d’un numéro spécial baptisé « Charia Hebdo », avec Mahomet comme rédacteur en chef), d’où vient leur arsenal de guerre, comment les criminels-amateurs ont pu disparaitre dans la nature alors que l’attaque a eu lieu vers midi dans une capitale truffée de caméras de surveillance où il est difficile de circuler, et au-delà de cette tragédie, mettre en œuvre un plan de désarmement du territoire français ?


5. Pour prévenir ces actes terroristes à l’avenir, il faut agir dans diverses directions : primo, en finir une fois pour toutes avec le berceau de « l’islamisme contemporain » qui affecte l’Europe -directement et indirectement, et l’affectera à l’avenir si rien n’est fait à moyen terme- la Syrie de la tyrannie des Assad ; secundo, anéantir les organisations terroristes qui inspirent l'imaginaire de certains esprits dérangés et alimentent l’islamisme dans le monde (Daech/Etat islamique, Jabhat al-Nosra, Al-Qaeda) et contenir l’hégémonie chiite de la République islamique d’Iran et de la milice du Hezbollah sur les populations arabes (à majorité sunnite) qui nourrit abondamment la rancune des islamistes ; et surtout, tertio, réunir toutes les conditions afin de permettre aux bourgeons du Printemps arabe d’éclore, pour laisser naitre des sociétés démocratiques, condition sine qua non, pour débarrasser ces sociétés arabo-musulmanes des extrémistes islamistes, les usurpateurs de l’islam.


6. Cette attaque odieuse n’est pas sans rappeler à nous autres Libanais, la quinzaine d’attentats terroristes qui ont ensanglantés le Liban entre 2004 et 2013. Pour la comparaison, le modus operandi est un détail qui perd son importance. Idem en ce qui concerne les personnalités visées. Ce qui uni tous les terroristes du monde, c’est une même philosophie mafieuse : l’élimination physique de l’adversaire, cet être qui ne partage pas leurs avis, leurs valeurs ou leurs croyances. Dans ce cadre, je pense notamment à la tragique année 2005, où ont été assassinés Rafic Hariri, ancien Premier ministre du Liban (cinq membres du Hezbollah sont accusés par le Tribunal Spécial pour le Liban de son assassinat), ainsi que Samir Kassir et Gebrane Tuéni, deux des plus brillants journalistes libanais.


7. Cette attaque nous rappelle amèrement la nécessité vitale de combattre tous les extrémistes, qui se nourrissent les uns des autres, qu'ils soient islamistes (sunnites et chiites), islamophobes, (chrétiens et juifs) et tyranniques (régime syrien alaouite et régime iranien des mollahs). Sans la moindre hésitation, nous devons combattre les islamistes avec la même vigueur que nous lutterons contre les islamophobes. Cette affirmation hérissera les poils de ces derniers. Ces deux catégories partagent la même nature fanatique. Ne soyons pas impressionner par les spectacles terroristes, du 11-Septembre ou du 7-Janvier, ou les mises en scènes gore de Daech (Etat islamique) et de Jabhat al-Nosra. Ce qui sépare les islamistes sanguinaires des islamophobes BCBG, c’est tout simplement l’élément déclencheur du passage à l’acte. A la lecture de toute cette violence verbale qui a été déversée sur certains murs Facebook, en France et au Liban, après l’attaque odieuse de Paris - comme ce simple « leur Dieu », deux mots chargés de tant de haine- je me dis qu’un islamophobe BCBG qui sera touché cruellement par un islamiste sanguinaire, lors de l’assassinat d’un de ses proches par exemple, basculera dans le terrorisme à son tour. La guerre civile libanaise, comme la guerre civile syrienne, sont en partie, des guerres de surenchères terroristes, il ne faut jamais l’oublier, le « Samedi noir » n’est qu’un exemple parmi tant d’autres (le massacre en décembre 1975, de centaines de musulmans après le meurtre de quelques chrétiens). En tout cas, une chose est sûre rien n’est plus dangereux qu’un cœur remplit de haine. 


8. Et immanquablement certains « zélés » sont rapidement montés au créneau avec l’indécence qui caractérise les ignares et les haineux : « mais où sont donc les musulmans modérés ? » Personne ne songerait à demander « où sont les Américains modérés » après le bordel déclenché par W au Moyen-Orient, dont on n’a pas encore fini d'en payer le prix, « où sont les Français modérés » après le désastre libyen de Sarkozy et de BHL (Bernard-Henri Levy), « où sont les Libanais modérés » alors que les miliciens du Hezbollah tombent en Syrie « dans l’accomplissement de leur devoir djihadiste », ou « où sont les catholiques modérés » face au scandale de pédophilie qui touchent des membres du clergé ? Certes, on peut reprocher aux communautés musulmanes du monde de ne pas manifester leur désapprobation d’une manière plus tapageuse et ostentatoire, mais ce procès est particulièrement  malhonnête. Comme en témoignent les réactions musulmanes après ce drame. Pour Dalil Boubakeur, le président du Conseil français du culte musulman, recteur de la grande mosquée de Paris, nous sommes face à « une vision absolument erronée, malade, psychopathologique de la religion ». Pour l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, « Si on n’est pas d’accord avec Charlie Hebdo, on répond au dessin par le dessin, à l’art par l’art, à l’écrit par l’écrit, et pas par la haine et le sang ». Même ceux qui se réclament du « salafisme saoudien » en France, rappellent la mise en garde du grand mufti d’Arabie saoudite à ces coreligionnaires, « le terrorisme de Daech et d’al-Qaïda est l’ennemi numéro un de l’islam »


9. Ceci dit, il serait souhaitable d’une part, que les autorités et les associations musulmanes, chrétiennes et judaïques de France, ainsi que les défenseurs zélés d’Allah, de Dieu et de Yahvé, cessent de poursuivre abusivement en justice, pour un oui et pour un non, ceux qui usent du droit français sacré de la liberté d’expression pour s’exprimer librement sur l’islam, le christianisme et le judaïsme, et d’autre part, que les autorités, les médias et la justice mettent un terme à l’idée répandue en France, à tort ou à raison, dans toutes les confessions confondues, qu’il existe dans ce pays « deux poids, deux mesures ». Rien n’est plus nuisible dans une société, que le sentiment d’être traité avec injustice et discrimination. 


10. En ce jour tragique pour les amoureux de la France et les défenseurs de la liberté d’expression, je me sens doublement concerné et doublement peiné par l’attaque ignoble de Charlie Hebdo. Je voudrais rendre hommage à Charb, Cabu, Wolinski et Tignous, ces quatre dessinateurs morts pour la France et la liberté d’expression, en reprenant un ensemble des dessins de Charlie Hebdo. Certaines caricatures heurteront la sensibilité des hypocrites-défenseurs-zélés-xénophobes-et-islamophobes de Charlie Hebdo et de la France, dont le journal satirique et la République française se passeraient bien. En visionnant ces œuvres inoffensifs pour les croyants sûrs de leurs fois et pour tout esprit sain et équilibré, on se rend compte de la barbarie des tueurs islamistes et la gratuité de leur acte. Le mot de la fin, je l’emprunterai à Victor Hugo. Il résume si bien la nature infâme de certains. « Depuis six mille ans, la guerre / Plaît aux peuples querelleurs / Et Dieu perd son temps à faire / Les étoiles et les fleurs. »


Avertissement
Beaucoup de ceux qui ont écrit sur le sujet, ont été confrontés à la même question : devons-nous reproduire certaines caricatures « offensantes » de Charlie Hebdo pour accompagner un article ou un reportage sur la tragédie du 7-Janvier ? Certains l’ont fait, notamment en France, d’autres pas, notamment aux Etats-Unis. Je fais partie des premiers. J’expliquerai mon choix dans un article à l'avenir.