samedi 18 mars 2017

Pendant que des Occidentaux se battent contre « Trump », le « Muslim Ban » et le « Mexican Wall », l'Arabie saoudite loue le président américain, défend son décret et approuve son mur (Art.422)


Sacrée semaine ! Il était difficile ces derniers temps d'échapper à la polémique autour du « Muslim Ban 1.0 ». Et encore, quiconque avait réussi cet exploit s'est fait rapidement rattraper par le « Muslim Ban 2.0 ». Depuis la fin du mois de janvier, j'ai saisi l'occasion à plusieurs reprises pour dénoncer le contenu de ces décrets pris par Donald Trump mais aussi leur appellation inappropriée. De l'eau a coulé sous les ponts et voilà qu'on apprend au début de la semaine, que le vice-prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane Al Saoud, ministre de la Défense, Président du Conseil des affaires économiques et du développement et fils du roi Salmane, a été reçu en grande pompe par le président américain le mardi 14 mars.

Autorisation spéciale de se balader dans les rues de Washington en thawb-bisht-chechiya-chemagh-agal (le costume traditionnel saoudien), déjeuner royal dans la salle à manger familiale des Trump, visite guidée de la Maison Blanche par le locataire des lieux lui-même, malek el bournouss woul chips, enfin bref, il est clair que les Américains se sont mis en quatre pour laisser une bonne impression à leur hôte saoudien.


A la suite de cette belle journée passée en bonne compagnie, le service com' de Mohammed ben Salmane Al Saoud a adressé à l'agence américain Bloomberg, un communiqué dont la lecture est tout simplement édifiante.

D'emblée nous apprenons que la réunion fut « un énorme succès, marquant un tournant historique dans les relations bilatérales ». Ça alors ! « Tout cela est dû à la grande compréhension du président Trump de l'importance des relations entre les deux pays et à sa vision claire des problèmes dans la région ». Notez bien, hal latché la obama, ce sous-entendu que Barack Obama était à côté de la plaque. Bon, ne fatiguez pas vos zygomatiques tout de suite, garder vos fous rires pour la suite.

Comme moi, vous imaginez naturellement que les deux hommes ont évité les sujets qui fâchent. Par exemple, les décrets américains interdisant à des ressortissants de plusieurs pays musulmans d'entrer aux Etats-Unis. Alors là, vous n'y êtes pas du tout. « L'Arabie saoudite ne croit pas que cette mesure vise les pays musulmans ou la religion islamique ». Moi aussi d'ailleurs, j'en ai parlé dans mon article sur le sujet. Sauf que les choses sont un peu plus compliquées que ne voudrait faire croire l'affirmation simpliste de l'émissaire saoudien du roi Salmane. En théorie, non, mais en pratique, si ! Et pour preuve, Donald citant Trump lors d'un meeting le 7 décembre 2015. « Donald J. Trump appelle à un arrêt total et complet de l'entrée des musulmans aux États-Unis, jusqu'à ce que les représentants de notre pays puissent comprendre que diable se passe-t-il ! Nous n'avons pas le choix. » Mais, il semble que le jeune prince soit complètement déconnecté de la réalité. « Cette mesure est une décision souveraine dont le but est d'empêcher les terroristes d'entrer aux États-Unis d'Amérique ». C'est une plaisanterie ? Il faut dire qu'à l'époque, il venait d'avoir 16 ans. Son précepteur devrait lui expliquer trois choses. Primo, on ne peut pas décréter que tous les ressortissants de tel ou tel pays sont potentiellement terroristes, c'est abjecte, pour ne pas dire raciste et xénophobe. Secundo, si par malheur et par populisme on devait le faire, la logique voudrait que les décrets Trump incluent les ressortissants saoudiens car 15 des 19 terroristes responsables du 11-Septembre étaient Saoudiens. Tertio, et puis quoi encore, c'est comme si les frontières des Etats-Unis étaient grandes ouvertes aux Syriens, Irakiens, Iraniens, Libyens, Somaliens, Soudanais et Yéménites !

Et comme le ridicule ne tue pas, on apprend de Bloomberg que le prince saoudien a fait savoir au président américain que le royaume possède des renseignements sur « l'existence d'un complot contre les États-Unis d'Amérique qui a été planifié dans ces pays en secret ». Mais voyons, comme par hasard ! Voilà pourquoi son Altesse royale a exprimé « sa compréhension et son appui à cette mesure de précaution vitale et urgente visant à protéger les États-Unis d'Amérique des opérations terroristes prévues ». C'est c'là oui ! Il faut quand même bien réaliser dans quelle situation surréaliste on se trouve : ben Salmane nous explique que c'était « vital et urgent » pour Trump d'agir et d'empêcher tous les ressortissants musulmans de sept pays au monde d'aller aux Etats-Unis.

Les deux hommes ont parlé de religion bien entendu. « Le Président Trump a exprimé son profond respect pour la religion musulmane, en la considérant comme l'une des religions divines qui est venue avec de grands principes humains (aujourd'hui) détournés par des groupes radicaux ». Respect, sauf que comme par hasard, Président Trump a fait le black-out sur Twitter entre le 13 et le 15 mars 2017, pas un gazouillis ni sur l'islam ni sur la visite de son Excellence. Il a pris le soin de laisser son hôte s'exprimer à sa place. En tout cas, il y a un an, voici ce que pensait le principal candidat à l'élection présidentielle américaine. « L'islam nous (Américains) déteste... il y a là, une énorme haine. »

Ils ont parlé aussi d'investissements, bien évidemment. « Les deux parties ont exprimé leur accord sur l'importance du grand changement que le président Trump mène aux États-Unis et qui coïncide avec le changement en cours en Arabie saoudite à travers "Vision 2030" (programme de réformes économiques et sociales pour transformer l'économie saoudienne) ». Quelle harmonie, c'est ce qu'on appelle en Orient, we7dat el masar, unis sur le même chemin : Trump a des affaires en cours en Arabie saoudite, d'où l'exclusion des Saoudiens du Muslim Ban, et Ben Salmane prévoit d'investir aux Etats-Unis pour diversifier les ressources financières du royaume.

Il était également question d'un ennemi commun, l'Iran. « Mohammed ben Salmane a souligné combien l'accord nucléaire est très mauvais et très dangereux pour la région (…) Le président et le vice-prince héritier partagent les mêmes vues sur la gravité des mouvements expansionnistes iraniens dans la région ». Wa houna beito el kasid, c'est le principal but de la rencontre du côté saoudien, tout le reste n'est que palabres, we7dat el masir, comme on dit en Orient, unis par le même destin.

Comme c'est souvent le cas, le meilleur est toujours pour la fin. « Les deux parties ont discuté de l'expérience saoudienne réussie dans la construction d'une clôture sur la frontière irako-saoudienne, qui a conduit à empêcher l'entrée illégale des individus, ainsi que la prévention des opérations de contrebande ». En gros, l'Arabie saoudite pourrait profiter de son expérience réussie dans ce domaine pour encourager et conseiller les Etats-Unis dans la construction du mur à la frontière mexico-américaine. Alors là, on tombe des nues. Trump sait maintenant ce qui lui reste à faire : au lieu de se coltiner le groupe franco-suisse Lafarge-Holcim, il n'a qu'à prendre Saudi Binladin Group pour la sale besogne.


Parlons peu, parlons bien.

D'un côté, on a des Saoudiens sunnites qui sont prêts à tout pour contenir le « croissant chiite » (Iran-Irak-Syrie-Liban-Yémen-Bahrein), même si ceci doit les conduire à bénir les pires décisions de la nouvelle administration américaine qui n'a jamais caché son mépris pour l'islam. « Son Excellence, le président Trump, a une intention sérieuse, sans précédent, de travailler avec le monde islamique et de réaliser ses intérêts ». Raisonner en « monde islamique » est déjà sectaire, mais admettons, le reste laisse perplexe. L'Arabie saoudite va aujourd'hui jusqu'à considérer Trump comme « un véritable ami des musulmans, qui servira le monde islamique d'une manière inimaginable », et tenez-vous bien, « contrairement au portrait négatif que certains ont essayé de promouvoir, par la publication de déclarations injustes sorties de leurs contextes et d'analyses irréalistes ». Mais voyons, les médias, moi compris, nous avons tenté de ternir l'image de Trump avec des propos injustes et des analyses biaisées ! Allez, finissez votre lecture rapidement, car cet énième article critique de Donald Trump s'autodétruira dans 5 minutes. Mais sachez avant que le 9 mars 2016, un journaliste américaine demanda à Trump : « Ya-t-il une guerre entre l'Occident et l'islamisme ou entre l'Occident et la religion musulmane ? » Voici la réponse exacte du « véritable ami des musulmans » : « C'est (contre) l'islam radical. Mais c'est très difficile à définir. Il est très difficile de les séparer parce que vous ne savez pas qui est qui ».

De l'autre côté, on a des Américains qui sont eux aussi prêts à tout pour briser « l'isolationnisme » dans lequel leur président enferme les Etats-Unis, même si ceci doit les conduire à dérouler le tapis rouge à l'héritier d'un royaume à l'islam rigoureux, qui ne laisse toujours pas ses sujettes conduire une voiture et qui a fournit la majorité des terroristes qui ont commis la pire attaque meurtrière de l'histoire américaine. Au moment où Donald Trump a beaucoup de mal à imposer le bannissement de ressortissants musulmans, à cause d'une forte opposition américaine interne, il avait impérativement besoin de recevoir la bénédiction « du pays leader du monde islamique, le siège de la Révélation, la terre des deux Saintes Mosquées et de la Qibla (direction de la Kaaba à La Mecque) », le pays qui a « une légitimité (islamique) sans égale », l'Arabie saoudite. Il l'a eu ! Et ce n'est certainement pas par hasard que Mohammed ben Salmane Al Saoud, a tenu à faire figurer tous ces termes, dans l'évaluation de sa rencontre avec le président américain. D'ailleurs, ce n'est certainement pas par hasard non plus que le vice-prince héritier saoudien a rendu publique ce que les deux hommes se sont dits en privé. C'est une bénédiction urbi et orbi et non en catimini, afin que Trump puisse l'exploiter.  !

De part et d'autre, Saoudiens et Américains ont voulu montrer que l'ère Obama est révolue et sans regret. Soit, mais encore. Les deux parties n'ont pas vraiment les mêmes desseins pour la Syrie. Il ne fait pas de doute que Trump, encore plus qu'Obama, ne rentrera pas en conflit ouvert avec Poutine afin de déloger par la force le dernier tyran des Assad, l'obsession des Saoud depuis six ans. Toutefois, les deux hommes se retrouvent sur un point essentiel, rejoint par Israël d'ailleurs, diminuer l'influence de la République islamique d'Iran dans la région. Mais de là à imaginer que le nouveau président américain ait l'intention et la possibilité, notez bien la nuance, de révoquer l'accord international signé avec l'Iran, il n'y a qu'un pas qu'il serait très hasardeux de franchir. Il n'y a qu'au Yémen où le royaume peut espérer du concret, des renseignements, mais aussi des armes et des frappes américaines.

Inutile de spéculer davantage, nous verrons bien si Trump laissera le Moyen-Orient dans un meilleur état qu'il ne l'était à son arrivée. J'en doute pour les raisons évoquées précédemment. Mes doutes se sont même renforcés en apprenant qui était le binôme chargé de rendre le séjour du prince saoudien en Amérique si agréable. Eh bien figurez-vous ce sont Stephen Bannon, chef de la stratégie à la Maison Blanche, un proche des milieux d'extrême droite considéré par Bloomberg comme « l'homme le plus dangereux de la vie politique aux Etats-Unis », et Jared Kushner, haut conseiller du président et mari d'Ivanka, un homme décrit comme un juif orthodoxe, soutien indéfectible d'Israël et chargé par le beau-père de définir la politique moyen-orientale américaine.

En quittant les Etats-Unis hier, Mohammed ben Salmane Al Saoud a adressé un câble à son hôte pour « exprimer sa profonde gratitude pour l'accueil chaleureux et l'hospitalité généreuse » qu'il a reçu et qu'il a rencontré. On apprend aussi qu'il n'avait qu'à « se louer des relations historiques et stratégiques » entre l'Arabie saoudite et les Etats-Unis et qu'il a souhaité « au peuple américain ami, une bonne continuation sur le chemin du progrès et de la prospérité ». Allez, l'avenir nous en dira plus. En attendant, disons que le jeune homme n'a sans doute pas été suffisamment initié par son précepteur aux coulisses des soudaines attentions et de tant de salamalecs. Il est clair, au moins pour l'instant, que c'est plutôt Trump qui peut mettre à profit cette rencontre, pas Ben Salmane !

*

L'ironie de l'histoire est donc dans ce constat surréaliste. Pendant que des Occidentaux se battent contre « Trump », le « Muslim Ban » et le « Mexican Wall », l'Arabie saoudite loue le président américain, défend son décret et approuve son mur. C'est à vous dégouter de faire de la politique. Mais heureusement qu'il y a tous les jours au moins une nouvelle pour vous en dissuader. Vendredi, 72 heures après la mascarade du vice-prince héritier saoudien à la Maison-Blanche, c'était au tour de la chancelière allemande, Angela Merkel de rencontrer Donald Trump. Même décor, mais changement d'ambiance. A l'arrivée, le protocole habituel. On se serre la main, on sourit et on blague de bon coeur. Au départ, un protocole inhabituel. Trait d'humour forcé, aucun regard complice et pas de poignée de mains, malgré l'insistance des journalistes. Par charité chrétienne, il ne faut pas oublier qu'Angela est la fille d'un pasteur, la chancelière allemande dédaigne proposer au président américain de répondre favorablement à l'insistance des journalistes, « Handshake, handshake, handeshake ». Trump boudant dans son coin, a préféré faire semblant de ne pas avoir entendu. Niet. Seul le bruit des obturateurs réchauffait l'ambiance glaciale qui régnait hier dans le Bureau ovale. Idem à la conférence de presse commune. Il faut dire que ces deux personnalités n'ont rien, absolument rien, en commun. Sur l'Union européenne comme sur l'OTAN, sur l'environnement comme sur les échanges internationaux, sur les réfugiés comme sur les migrants, tous les sujets les séparent. Eh oui, Son Altesse Royale, Mohammed ben Salmane Al Saoud, potentiel futur roi d'Arabie saoudite, pourrait conclure qu'il y a encore des leaders de principes dans ce monde pour qui la fin ne justifie pas les moyens


Comédie en quatre actes, lecture de gauche à droite, de haut en bas.
Captures d'écran, source CNN
1. Merkel demande à Trump, qui regarde de l'autre côté de la pièce,
s'il souhaite avoir une poignée de main.
2. Elle l'observe pendant trois éternelles secondes. Il a bien entendu,
il ne se retourne pas, il regarde droit devant lui. Manifestement, il est hagard.
3. La chancelière allemande est dubitative.
Elle est maintenant certaine que le président américain boude.
Il n'a pas dû apprécier ce qu'elle lui a dit en privé.
4. Angela Merkel semble amusée par le comportement puéril de son hôte,
qui lui, attend impatiemment que ce long supplice photographique prenne fin.

mercredi 15 mars 2017

Recep Tayyip Erdogan : une vision mégalomaniaque, un conservatisme islamique et une xénophobie à l'égard de l'Occident (Art.421)


I. Erdogan : « Les musulmans ont découvert l'Amérique, pas Christophe Colomb »

A l’occasion du sommet des chefs religieux musulmans des pays d'Amérique latine, qui s’est tenu à Istanbul le 15 novembre 2014, le président turc, fraichement élu, n'a rien trouvé de mieux à déclarer que de prétendre que « les musulmans ont découvert l'Amérique en 1178, pas Christophe Colomb » (en 1492). Ce ne seraient donc ni les Seldjoukides du Sultanat de Roum (Anatolie), ni les Ayyoubides de la dynastie de Saladin (Syrie et Egypte), ni les Mouwahiddun de la dynastie des Almohades (Andalousie et Maghreb), mais tout simplement « les musulmans ». A l'époque tout le monde avait souri et jugé que ces propos clownesques ne valaient pas la peine d'être commentés publiquement. Et pourtant, on retrouve dans cette anecdote sur Recep Tayyip Erdogan, trois traits fondamentaux de sa personnalité et de sa politique : la vision mégalomaniaque, le conservatisme islamique et la xénophobie à l'égard de l'Occident.


II. La tentative de coup d’Etat était « une bénédiction d’Allah »

Dès qu'il a repris la main quelques heures après le début du putsch raté de l'été dernier, l'homme fort de Turquie a assuré ses supporters à son retour à Istanbul que la tentative de coup d’Etat était « une bénédiction d’Allah ». Ce jour-là, il a décidé de profiter de l'aubaine pour tout mettre en oeuvre afin de verrouiller le pouvoir davantage. Sa réponse a viré très vite à la répression hystérique plutôt qu’à l’application sereine des lois en vigueur dans un Etat de droit. Le ton adopté s’est inscrit d’emblée dans un registre fasciste : « Nous allons continuer d’éliminer le virus de toutes les institutions étatiques... Hélas, ce virus, comme un cancer, s’est propagé à tout l’Etat ». Au total, tous secteurs confondus (militaire, police, judiciaire, ministères de l'Intérieur, de l'Education nationale, des Finances, Affaires sociales, etc.), des dizaines de milliers de Turcs ont été placés en garde à vue, emprisonnés ou démis de leur fonction. Vu l'ampleur et la célérité de la contre-réaction, il est clair aujourd'hui qu'une partie d'entre eux étaient des opposants qui ont été « neutralisés » d'une manière préventive, en partant de « listes » qui étaient établies d'avance. Le coup d’Etat militaire raté de l’armée turque cachait en réalité un putsch civil du régime d’Erdogan.

Les objectifs du président turc étaient clairs. A court terme, le « virus » qu’Erdogan se propose d’éradiquer concerne essentiellement les partisans de l’imam Fethullah Gülen, un intellectuel turc qui vit depuis 1999 aux Etats-Unis. C’est l’ennemi numéro un d’Erdogan, son obsession, l’adversaire à abattre. L’imam exilé partage avec Erdogan, la même vision conservatrice, traditionnel et islamiste de la société. Il représente un important courant de pensée islamique, qui prône l’implication des musulmans pour le « bien commun » des musulmans et des non-musulmans, de Turquie et du monde, ainsi que le dialogue religieux avec les Gens du Livre (les chrétiens et les juifs). Les deux hommes étaient même alliés pendant plus de dix ans. Les dérives autoritaires du président turc et des soupçons de corruption pesant sur son entourage, les ont brouillés. A long terme, l’objectif d’Erdogan était d’imposer un régime présidentiel via une réforme de la Constitution.

III. Le référendum pour le renforcement des pouvoirs présidentiels en Turquie

Nous y voilà. Le référendum pour valider la réforme est fixé au 16 avril 2017. Dans le cadre d'une campagne en faveur du "oui", le pouvoir a prévu d'aller à la rencontre de la diaspora turque en Europe. En théorie, rien de plus normal. En pratique, cette démarche pose deux problèmes majeurs.

D'une part, il y a un problème de schizophrénie démocratique. Depuis très longtemps déjà, bien avant le putsch raté, Recep Tayyip Erdogan ne résigne devant rien pour verrouiller son pouvoir, museler ses opposants, imposer ses idées islamistes et remanier en profondeur la république moderne laïque fondée par le père visionnaire de la nation turque, Mustafa Kemal Atatürk. Dans la panoplie des atteintes graves à la démocratie en Turquie sous le règne d’Erdogan Ier d'Anatolie, on retrouve pêle-mêle : la limitation de la liberté d’expression (depuis qu’il est président de la République, Erdogan poursuit les citoyens turcs pour « insulte au président » à un rythme de 100 plaintes/mois), l’emprisonnement de journalistes, la répression violente des manifestations pacifiques, les purges dans l'armée, la police, la justice, les administrations, etc. Bilan des courses, selon Reporters Sans Frontières, l’évaluation de la liberté de la presse dans 180 pays du monde pour l'année 2015, classe la Turquie à la 149e place, juste devant la Libye (154), un peu mieux que la Corée du Nord (179), la Syrie (177), l’Iran (173) et l’Arabie saoudite (164), beaucoup moins bien que l’Afghanistan (122), le Liban (98), la France (38), l’Allemagne (12) et la Finlande (1). Et encore, c'était avant le putsch. Et comme si de rien n'était et en dépit de la purge massive tous azimuts depuis le coup d'Etat raté de l'été, « l'homme malade » veut se pointer en Allemagne, aux Pays-Bas et en France, pour profiter pleinement de la culture démocratique qui règne dans les pays d'Europe, afin de faire sereinement campagne dans le but de renforcer davantage son pouvoir présidentiel et les violations démocratiques qui en découleraient, et il espère que les leaders des pays européens lui dérouleraient le tapis rouge et l'accueilleraient avec des tzoulghout, les jets de riz et les plateaux de loukoums ! On croit rêver.

D'autre part, il y a un problème de cohérence idéologique. Certaines Européens n'ont pas encore oublié la criminalisation de l’intégration des ressortissants turcs dans les sociétés européennes par Recep Tayyip Erdogan Premier ministre. C'était en 2008 à Cologne. Il a eu le culot de balancer aux 16 000 compatriotes qui sont venus à sa rencontre, « l'assimilation est un crime contre l'humanité ».

IV. La campagne d'Erdogan en Allemagne, en France et aux Pays-Bas

Toujours est-il que face à cette campagne en perspective, les pays européens ont réagi d'une manière très différente. La France semble avoir décidé, au moins pour l'instant, de laisser le pouvoir turc faire campagne sur son sol, comme si de rien n'était. Et encore, c'était dans la petite ville de Metz (120 000 habitants) avant les déclarations scandaleuses des leaders turcs. Nous y reviendrons. Par contre, l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse et les Pays-Bas ont décidé d'interdire les meetings. Deux ministres turcs, des Affaires étrangères et de la famille, ont même été refoulés.

Erdogan était furieux et il l'a bien fait savoir. « Ils devront en payer le prix ». Jusque là, rien de bien grave. Le reste des déclarations l'est. « Je pensais que le nazisme était mort, j’avais tort. Le nazisme est encore très répandu en Occident. L’Occident a montré son vrai visage. » Si interdire un meeting politique et éconduire un politicien relevaient du nazisme, Erdogan serait le Führer incarné ! Rappeler le passé nazi à l'Allemagne d'aujourd'hui, qui a ouvert grand ses portes à plus d'un million de réfugiés musulmans, quand on est l'héritier de l'Empire ottoman, fier de l'être et incapable de reconnaître le génocide de plus d'un million d'Arméniens chrétiens 100 ans après les faits, s'inscrit indiscutablement dans le registre du crétinisme politique. La xénophobie du président turc à l'égard des Occidentaux l'a même poussé à sous-entendre que la chancelière allemande, Angela Merkel, soutiendrait les terroristes. « Mme Merkel, pourquoi cachez-vous des terroristes dans votre pays? Pourquoi vous n'agissez pas? » Comme du côté de Bachar el-Assad, pour Recep Tayyip Erdogan, tout opposant à son hégémonie politique est un terroriste potentiel. Et dire que l'auteur de ces propos aberrants a pendant longtemps eu des rapports obscures et ambigus avec les milices islamistes et jihadistes en Syrie.

Encore quelques anecdotes qui montrent à quel point les coïncidences sont parfois d'une ironie impitoyable avec d'ignares populistes. Le président turc s'exprimait à Istanbul dimanche, dans le cadre d’une conférence intitulée « La bienveillance sauvera le monde ». Eh bien, disons que ce n'est pas demain la veille puisque le gardien de la Sublime Porte en est totalement dépourvu! Pour Erdogan ce qui s'est passé à Rotterdam est la preuve d'une « forme d'islamophobie » qui reflète la montée « du racisme et du fascisme » en Europe. Heureusement que le ridicule ne tue pas. Le ministre turc des Affaires étrangères devait s'exprimer samedi à Rotterdam, dont le maire n'est autre qu'Ahmed Aboutaleb, un homme politique néerlandais d'origine marocaine, élu en 2009, le premier maire musulman d'une grande ville européenne qui comptent 633 000 habitants et qui est le premier port d'Europe et le neuvième du monde. Membre du parti travailliste, c'est lui qui a fait savoir à Mevlüt Çavusoglu, qu'il ne pourra pas faire son discours du balcon de la résidence du consul général de Turquie. Autre élément qui aurait dû pousser Erdogan a avalé sa langue, depuis le début de l'année 2016, la Chambre des représentants des Pays-Bas est présidée par Khadija Arib, une femme politique néerlandaise d'origine marocaine, la première présidente musulmane d'une assemblée nationale d'un pays européen de 17 millions d'habitants dont le PIB par habitant s'élève à 50 000 $ et qui le hisse à la 27e place mondial.

Les motivations des protagonistes de cette histoire sont très différentes. La Turquie joue gros. Erdogan n'est absolument pas sûr de pouvoir remporter la consultation populaire du 16 avril pour renforcer les pouvoirs présidentiels. La répression massive menée depuis l'été dernier pourrait se traduire négativement dans les urnes. Pas d'enjeu particulier pour la France, d'où l'autorisation du meeting de Metz, qui n'a rassemblé d'ailleurs que 800 personnes. Pour les Pays-Bas, ce n'est absolument pas le cas. L'enjeu est important puisque le mercredi 15 mars se tiennent les élections législatives. Elles opposent essentiellement Mark Rutte, Premier ministre et chef du Parti populaire libéral et démocrate (centre-droit) à Geert Wilders, fondateur du Parti pour la liberté (extrême droite). Les deux hommes sont au coude-à-coude, avec un léger avantage pour le premier. Tout laxisme à l'égard d'Erdogan pouvait couter cher dans les urnes. Ce n'est pas le cas pour l'Allemagne non plus, qui a interdit les meetings mais sans faire beaucoup de bruit. Il faut dire que l'enjeu est complexe et triple. Primo, parce que des élections législatives sont prévues au mois de septembre, où Angela Merkel pourrait être obligée de céder la place à Martin Schulz. Secundo, à cause d'une importante diaspora turque, dont l'intégration se passe plutôt bien, ce qui pousse beaucoup de leaders allemands à ne pas s'engager dans la surenchère primitive concoctée par Erdogan. Tertio, parce que toute tension entre Berlin et Ankara pourrait remettre en cause l'accord sur les réfugiés conclu entre l'Union européenne et la Turquie.

V. De Donald Trump à Vladimir Poutine, en passant par Recep Tayyip Erdogan, Geert Wilders et Marine Le Pen, un objectif commun : en finir avec l'Union européenne

Depuis quelques mois, Donald Trump essuie tous les jours, à juste titre et à juste raison, le feu nourri des critiques du monde entier, notamment occidentales. La campagne anti-Trump a atteint son zénith lorsque le nouveau président américain avait signé le décret dit « Musulim Ban » le 27 janvier 2017. Suspendu par la justice américaine, relancé sous une autre forme, enfin, il n'y a rien de bien inquiétant du côté du nouveau monde, les Etats-Unis resteront l'une des plus grandes démocraties du monde, où règne un Etat de droit au sein duquel il existe des contre-pouvoirs puissants et efficaces. Ce qui n'est absolument pas le cas ailleurs.

Du côté du vieux continent, on voit se développer depuis les années 1990, une inflammation loco-régionale sur le flanc gauche de l'Europe. D'abord en tant que maire d'Istanbul (1994-1998), puis en tant que chef du Parti de la justice et du développement (2001-2014), ensuite en tant que député et Premier ministre (2003-2014) et enfin en tant que président de la République (depuis 2014), Recep Tayyip Erdogan a tout fait pour asseoir son hégémonie sur le pays et la région. Cette inflammation chronique devient au fil des années de plus en plus pernicieuse, à la fois pour une partie de la population turque et pour l'ensemble des populations européennes. En Turquie beaucoup de citoyens se battent à leurs risques et périls contre l'hégémonie présidentielle d'Erdogan. En Europe, certains ont cru naïvement que l'inflammation passera sans traitement. D'autres ont espéré encore plus naïvement pouvoir y remédier en prescrivant l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne, le ménagement du gardien de la Sublime Porte et d'innombrables concessions à Recep Tayyip Erdogan.

L'agressivité du pouvoir turc ces derniers jours nous rappelle que tant d'efforts et de bonne volonté resteront vain et pour cause, on commet souvent l'erreur d'oublier que les extrémistes, de tout poil et même rasés de près, de Donald Trump à Vladimir Poutine, en passant par Recep Tayyip Erdogan, Geert Wilders et Marine Le Pen, n'en parlons pas de l'international islamisme, du régime des mollahs ou de la tyrannie des Assad, ne mettent pas de l'eau dans leur vin, se nourrissent les uns des autres et pire que tout, peuvent s'allier ponctuellement contre un adversaire commun dont les valeurs constituent une menace pour leurs idéologies isolationnistes ou expansionnistes, l'Union européenne

VI. Elections législatives aux Pays-Bas, en France et en Allemagne : l'effet Trump fera-t-il pschitt en Europe ? 

De ce fait, cette dernière doit défendre fermement ses valeurs quand elles sont attaquées avec une telle bassesse et répondre d'une manière solidaire aux déclarations abjectes des dirigeants turcs contre certains de ses membres, l'Allemagne et les Pays-Bas. Il faut le faire à la fois dans l'intérêt des Européens et dans celui des Turcs qui souffrent des dérives totalitaires de leur président. Tout silence sera interprété comme un signe de faiblesse et exploité par les adversaires de l'Europe. A défaut, il ne faut plus s'étonner des scores élevés enregistrés par les leaders européens d'extrême droite en Europe. 

Aux dernières nouvelles, le parti du centre droit du Premier ministre sortant, Mark Rutte, a raflé 33 des 150 sièges du Parlement, alors que le parti d'extrême droite de Geert Wilders - ce nationaliste ouvertement xénophobe et islamophobe, qui s'est engagé à bloquer l'entrée des ressortissants de confession musulmane aux Pays-Bas, à fermer les mosquées du pays et à interdire la vente des Corans - n'obtient que 20 sièges, soit seulement 5 de plus qu'en 2012. La fermeté du Premier ministre hollandais dans la crise qui l'opposait au Président turc, a donc été payante. L'extrême droite n'a pas pu exploiter ce dossier. Sa faible progression électorale ne lui permet pas de se démarquer des quatre autres partis qui auraient à peu près le même score (14 à 19 sièges): les Chrétiens démocrates, les Centristes réformateurs, les Ecologistes et la Gauche radicale. Ainsi et contrairement aux Américains, les Hollandais ont su se montrer mûrs. L'effet Trump a donc fait pschitt en Europe. Et c'est bien parti pour la suite. Allez, on se donne rendez-vous au printemps en France et en automne en Allemagne. Et en attendant, à votre santé !

lundi 6 mars 2017

Plans B : les neuf options de François Fillon et de la droite française (Art.420)


Tout dépend où l'on se place. De loin, certains diraient que le rassemblement du Trocadéro peut déjà être relégué aux archives. Pas parce que c'est un échec. Mais parce qu'il est inefficace pour changer le destin. Le 15 mars, François Fillon boira le calice jusqu'à la lie. C'est sans doute vrai, sauf que la démonstration de force hier était essentiellement une communication interne.

Elle avait un triple objectif. Primo, rassurer les fidèles du candidat de la droite et du centre. Secundo, faire office de garrot afin d'arrêter l'hémorragie de ses soutiens. Tertio, court-circuiter le Comité politique du parti qui doit se réunir ce lundi pour « évaluer la situation ».

Trouver 50 000 irréductibles pour venir un dimanche pluvieux soutenir François Fillon, n'a rien d'extraordinaire mais c'est quand même remarquable. Ce qui l'est tout autant, c'est le fait que la plupart des ténors des Républicains n'y étaient pas. A sept semaines du premier tour de l'élection présidentielle en France, c'est un signe qui ne trompe pas. La réunion de cet état-major politique cet après-midi vient couronner une semaine de grandes manœuvres politiques pour déterminer la suite des événements. Le temps presse. C'est une course contre la montre qui s'engage. Je vois plusieurs options. En voici les principales.

1. Continuer la bataille présidentielle jusqu'au bout avec François Fillon
Ça sera la poursuite du plan A. Il est actuellement en cours et jusqu'à nouvel ordre. Disons que c'est une option défendable. François Fillon tire sa légitimité du vote de 2,9 millions d'électeurs, et non 4 millions comme il prétend, qui ont choisi son projet présidentiel. Le candidat en a longuement parlé hier devant ses partisans. « Je continuerai à dire a mes amis politiques que ce choix, à la fois leur appartient et ne leur appartient pas. Parce que ce choix est le vôtre, celui de vos suffrages et à travers eux de vos espérances. » Remettre en cause cette légitimité peut conduire à l'éclatement du parti Les Républicains

En tout cas, il est clair que François Fillon n'abandonnera jamais. Il faut tout de même se souvenir de la lutte fratricide qui l'opposa à Copé pour la présidence de l'UMP il n'y a pas si longtemps (2012), pour le lire entre les lignes tout au long de son discours. En s'adressant à ses amis politiques, il dira : « Laisserez-vous les passions du moment l’emporter sur les nécessités nationales ? Laisserez-vous les intérêts de factions et de carrière et les arrière-pensées de tous ordres l’emporter sur la grandeur et la cohérence d’un projet adopté par plus de quatre millions d’électeurs ? Vous laisserez-vous dicter par l’écume des choses ce choix décisif qu’une part de notre peuple a remis entre vos mains, le désir profond d’un renouveau, d’une fierté nationale enfin retrouvée ? » C'est une façon de mettre en garde le Comité politique à 24 heures de cette réunion fatidique. « Mon examen de conscience, je l’ai fait... Aux hommes politiques de mon camp je dirai à présent ceci : il vous revient maintenant de faire le vôtre. » Le soir, sur le plateau de France 2, il le formulera d'une manière encore plus claire : « Personne n'a le pouvoir de m'obliger à retirer ma candidature ». Notez aussi que les dizaines de défections ne l'ont pas conduit à se remettre en cause, bien au contraire, là aussi, il a cherché à culpabiliser les déserteurs. « Je dois aussi m’interroger sur ceux qui doutent et fuient le navire, leur responsabilité est immense ».

Cela étant dit, le premier des plans B peut paraître comme un coup de poker qui comporte le grand risque que la droite soit sanctionnée aux prochaines élections, présidentielles et législatives, à cause du cas personnel de son candidat. Mais, ce dernier a des chances de réussir. En tout cas, il faut l'admettre une fois pour toutes, il n'a absolument pas l'intention de se retirer. Il l'a fait savoir à la télé : « Au Trocadéro, le peuple a montré qu'il était derrière son candidat. Personne ne peut m'empêcher d'être candidat ». S'il réussit, François Fillon raflera la mise et beaucoup de déserteurs des derniers jours s'en mordront les doigts.

2. Organiser une nouvelle primaire de la droite et du centre
C'est l'option la plus logique en théorie. Les détracteurs du plan A peuvent arguer à juste raison que si François Fillon a bel et bien obtenu l'investiture légitime de la droite et du centre, c'était quand même avant la révélation du scandale qui l'éclabousse depuis le 25 janvier et sa prochaine mise en examen le 15 mars, pour détournements de fonds publics. Il est évident que si les 4,4 millions d'électeurs qui se sont exprimés en novembre connaissaient les faits, nul ne peut affirmer sérieusement qu'une révélation aussi grave n'aurait pas influencé leur vote. Une nouvelle primaire peut s'organiser rapidement, associer ou pas au report de l'élection présidentielle.

3. Remplacer manu militari François Fillon par Alain Juppé
A partir du moment où l'on accepte le principe que le facteur Penelope Gate remet en cause la légitimité de François Fillon pour représenter la droite et le centre à l'élection présidentielle, la solution la plus logique sur le plan pratique, consiste à remplacer François Fillon par celui qui est arrivé en 2e position à la primaire de la droite et du centre, Alain Juppé. Comme l'actuel candidat s'obstine à rester dans la course, il pourrait être disqualifié par le parti, sur les bases que l'intérêt des Français en général est au-dessus de toute considération politicienne et l'intérêt des Républicains en particulier est au-dessus du destin personnel de l'un des leurs, aussi émérite soit-il. Qui argue que cela risque de faire éclater le parti Les Républicains oublient que vu le nombre grandissant de défections, au contraire, pour l'instant c'est le maintien de la candidature de François Fillon qui est en train de faire éclater la droite et le centre, partis et électeurs! 

4. Négocier un accord à l'amiable entre François Fillon et Alain Juppé
C'est d'ailleurs la condition qui était fixée par le principal intéressé. Il ne remplacera pas Fillon, que si et seulement si, le vainqueur de la primaire de la droite et du centre le lui demande. Pour ce faire, chacun des deux ténors devrait mettre de l'eau dans son vin, surmonter son ego et réprimer sa mégalomanie. Alain Juppé intégrerait des éléments spécifiques du programme Fillon. François Fillon accepterait que le projet présidentiel de la droite intègre désormais le programme Juppé. Comme gage de bonne foi, on peut imaginer l'intégration des lieutenants de Fillon dans l'organigramme de la campagne Juppé, voire la nomination de François Fillon comme vice-candidat d'Alain Juppé. 

Mais aux dernières nouvelles, vu la « détermination » et « l'obstination »  de l'actuel candidat de la droite et du centre, qu'il a constaté lui même constaté et qui se sont manifestées sur la place du Trocadéro et sur le plateau de France 2, et parce qu'il ne fait l'unanimité au sein de sa famille, le maire de Bordeaux n'a pas envie de jouer un remake du film Fillon-Copé, il y renonce définitivement, sa décision est prise « une bonne fois pour toutes ».

5. Faire une intifada avec Nicolas Sarkozy
Il y pense évidemment devant son miroir le matin. Comme il le disait en 2003 à Alain Duhamel, « pas simplement quand je me rase ». Il souhaiterait bien échapper à son archivage dans la catégorie des « présidents à usage unique ». Il aimerait tant prendre sa revanche de cette primaire humiliante. Il voudrait plutôt qu'on vienne le supplier. C'est vers lui, grand connaisseur en ustensiles de cuisine, que François Fillon s'est tourné pour prendre conseil à plusieurs reprises depuis le 25 janvier. Mais les choses se compliquent depuis l'hémorragie déclenchée le 1er mars. Il pourrait profiter du désarroi de la droite pour faire un putsch, un coup de force, une intifada. Un signe, ce vendredi. Au dernier coup de fil de l'ex-Premier ministre, l'ex-Président de la République a dit : « Cela ne peut pas durer comme ça ». Mais encore ?

6. Poursuivre la course avec un soutien de la première heure de François Fillon
Le but c'est de livrer la bataille présidentielle avec le programme de François Fillon, mais sans le principal concerné. Hélas, on n'y trouve aucun poids lourd ou même un poids moyen. Il y a qu'un poids léger, Gérard Larcher. Ce n'est pas le genre à enflammer les foules mais il est le président du Sénat quand même et dès le départ il pense que le programme de Fillon est « abouti, construit et concret ». Il y a aussi un poids plume, Bernard Debré, député de Paris. Certes, ce n'est pas le type à soulever les passions mais dès le départ il pense que Fillon est « le seul qui travaille ». A moins de se rabattre sur un poids paille comme Thierry Mariani, le député de la 11e circonscription des Français établis hors de France, celle qui englobe une partie d'Europe de l'Est, de l’Asie et de l'Océanie, dont la Russie et l'Iran. L'homme n'a pratiquement pas de déclaration d'intérêt public et dont le seul fait d'armes connu est sa visite au tyran de Damas, il y a près d'un an, et la publication du tweet de l'achat du « mug qui fait fureur » du souk de la ville, créé à l'effigie de Bachar el-Assad et de Vladimir Poutine. En tout cas, on ne peut plus compter sur Patrick Stefanini, le directeur de campagne de François Fillon, et sur Thierry Solère, un des porte-parole du candidat, ils viennent de quitter le navire tous les deux.

7. S'engager dans la bataille avec les seconds couteaux
Contrairement au point précédent, ici la liste est longue. Avec ou sans l'accord de François Fillon, on pourra décider d'engager la bataille derrière des personnalités qui ne feront ni le poids ni l'unanimité comme Nathalie Kosciusko-Morizet, François Baroin, Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, etc. Ça sera la grande aventure.

8. Livrer la bataille présidentielle avec François Fillon et un autre candidat
Certes, le risque c'est d'avoir tous les inconvénients du maintien de la candidature de Fillon en plus de ceux de la dispersion des voix de la droite au grand bonheur de l'extrême droite. Mais, au moins dans un tel cas de figure, les électeurs de droite et du centre auront le choix entre le vainqueur de la primaire, dont la désignation peut apparaître aujourd'hui biaisée par le Penelope Gate, et un autre candidat, qui ne traine aucune casserole. A moins de retourner à la case numéro deux et d'organiser une nouvelle primaire.

9. Former un triumvirat Fillon-Sarkozy-Juppé
On l'a bien fait à l'époque de l'URSS. Alors, pourquoi pas en France? Ça sera un triumvirat un peu spécial. On partagera les postes de président de la République, de Premier ministre et de chef du parti, entre un homme politique mis en examen, un autre envoyé en correctionnel et un troisième déjà condamné. On procédera par tirage au sort pour les désignations.

On pourra s'inspirer des romains également. Et là, ça sera beaucoup plus passionnant et riche en enseignements. C'était après l'assassinat de l'Imperator Iulius Caesar, Jules César, en l'an 44 avant JC. La guerre civile reprenait de plus belle à Rome. C'est alors que s'établit une alliance politique entre Marc Antoine (consul et ancien lieutenant de César), Lépide (ancien maitre de cavalerie de César) et Octave (petit-neveu et fils adoptif de César), contre les sénateurs et les républicains, défenseurs de l'assassin de César et favorables au rétablissement de la République. Les triumvirs se répartirent les légions et le gouvernement des provinces, mais se mirent d'accord pour garder la péninsule italienne indivisible. Après des années de persécutions et de guerre, ils écrasèrent leurs ennemis et établirent la paix.

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'au jour où Lépide tenta d'obtenir une plus grande part du gâteau. En vain, il sera finalement exclu du triumvirat et vaincu par Octave. Vers l'an 33 avant JC, les deux triumvirs s'embrouillèrent. Octave, qui dominait l'Occident, reprocha à Marc Antoine, qui régnait sur l'Orient, de brader les intérêts de Rome (en Orient), de ne pas respecter les traditions romaines (lors d'une cérémonie à Alexandrie) et d'humilier sa sœur Octavie (mariée à Marc Antoine, qui a délaissé sa femme à Athènes et est allé se la couler douce avec Cléopâtre, au bord du Nil). Marc Antoine lui, n'a pas apprécié qu'Octave ait mis la main sur les territoires de Lépide, que celui-ci l'empêche de recruter en Italie et que ses vétérans soient exclus des distributions de terres. L'affrontement entre les deux hommes devint inéluctable.

Octave se présentera comme le défenseur de la civilisation romaine face aux aventures orientalistes de Marc Antoine et son égarement sous le charme de la reine d'Egypte, qui ne cachait pas pourtant, ses ambitions méditerranéennes et qui présentait une menace pour Rome. La guerre entre les deux mondes finira par éclater en l'an 32 avant JC. Elle durera jusqu'à la bataille d'Actium le 2 décembre de l'an -31, qui restera dans les chroniques comme l'une des plus importantes de l'histoire navale. Octave en est sorti grand vainqueur. Marc Antoine et Cléopâtre se suicidèrent par la suite. De retour à Rome, Octave sera baptisé par le Sénat comme « Auguste », « le plus illustre » de tous, un titre réservé aux dieux. Son règne marquera la fin de la République et le début de l'Empire romaine. Il mourra en l'an 14. Jésus de Nazareth était alors âgé d'une vingtaine d'années.

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Voilà pour l'histoire ancienne. Tout est parti d'une idée, d'un mot, d'une option, le triumvirat. Certains pourraient voir dans Lépide, Nicolas Sarkozy, dans Marc Antoine, Alain Juppé, et dans Octave, François Fillon. Ils concluraient que c'est l'actuel candidat de la droite et du centre qui serait intronisé président de la République française prochainement. Mais nous pourrions tous nous tromper sur toute la ligne. L'élection présidentielle française ne se situerait pas dans le cadre de l'histoire romaine mais dans le registre d'une tragédie grecque, qui se terminera forcément mal. Alain Juppé a très bien résumé la situation lors de sa conférence de presse dans la matinée : « La droite et le centre, quel gâchis ! » Merci qui ?

vendredi 3 mars 2017

Ô François Fillon, pour passer de l'hôtel Matignon au palais de l'Elysée, il ne suffit pas de connaître l'adresse des lieux, de gagner une primaire, de traverser la Seine, de s'essuyer les pieds et de rentrer ! (Art.419)


Et le prévisible devint inéluctable. C'est pratiquement sûr, le 15 mars, François Fillon sera mis en examen dans le Penelope Gate. Ça sera un mercredi. Il ne fallait pas être devin pour le prédire. Ceci pour au moins deux raisons. Au fur et à mesure que le dossier judiciaire de François Fillon s'épaississait, depuis les 25 janvier et 1er février, des mercredis, où Le Canard Enchainé a révélé les affaires Fillon, le candidat de la droite et du centre n'a cessé d'aggraver son cas, à chaque fois qu'il s'est exprimé. Et pourtant, il devait bien savoir, que si la parole est d'argent, le silence est d'or.

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Ce qui se passe depuis le 1er mars, résume bien toute la tragédie du favori d'un laps de temps de la présidentielle en France. Ce mercredi-là, encore un, François Fillon reçoit une convocation pour comparaitre devant les juges deux semaines plus tard. Aussitôt, il annule sa visite au Salon de l'agriculture, d'autant plus qu'Emmanuel Macron s'y trouvait et rencontrait un grand succès, vu les attroupements qu'il déclenchait dans son sillage. Il se précipite dans son QG de campagne et organise une conférence de presse épique, qui restera dans les annales.

Il commencera par annoncer la mauvaise nouvelle à ses supporters, « Mon avocat a été informé que je serai convoqué le 15 mars par les juges d’instruction afin d’être mis en examen », avant d'attaquer tous azimuts. L'arrogance de François Fillon est manifeste. Son mépris est triple.

Primo, le mépris des magistrats 

« Il est sans exemple, dans une affaire de cette importance, qu’une convocation aux fins de mise en examen soit lancée quelques jours à peine après la désignation des juges, sans qu’ils aient pris connaissance du dossier ni procédé à des investigations supplémentaires, sur la simple base d’un rapport de police manifestement à charge, c’est-à-dire pour condamner... Cette convocation s’inscrit dans la ligne d’une enquête menée dès le début exclusivement à charge... Depuis l’origine, et contrairement à ce qui a été dit, je n’ai pas été traité comme un justiciable comme les autres... Que je ne sois pas un justiciable comme les autres, on le voit au simple choix de cette date du 15 mars, deux jours avant la clôture des parrainages, entièrement calculée pour m’empêcher d’être candidat à la présidentielle, et, au-delà, pour empêcher que la droite et le centre disposent d’un tel candidat... Les avocats ont demandé que la chambre de l’instruction de la cour d’appel statue immédiatement sur les irrégularités nombreuses et graves de la procédure. Cela leur a été refusé... Ma volonté de servir est plus grande que les accusations qui sont portées contre moi... L’Etat de droit a été systématiquement violé. » Il faut dire que depuis le début de l'affaire, François Fillon n'a cessé de dénoncer les institutions de la République. Il n'a pas hésité à un moment pour parler de « coup d'Etat institutionnel » et de l'existence de « quelque chose de pourri dans notre démocratie ».

Si on suit bien la logique de François Fillon, le parquet national financier (càd le ministère public), la police judiciaire, les magistrats, la chambre d'instruction et la cour d'appel, sont tous des pourris qui ont un parti pris dans « son affaire ». Ils le poursuivent injustement dans un but bassement politicien. Que l'on soit de droite ou de gauche, il faut tout de même reconnaître que jamais au grand jamais, personne n'a osé manifesté autant de mépris pour la justice en France, à part l'extrême droite. La logique de François Fillon est dangereuse pour l'Etat de droit.

Secundo, le mépris des journalistes 

« La presse s’est fait l’écho des convictions des enquêteurs et d’elles seules (…) Les arguments de fait que j’ai présentés n’ont pas été entendus, ni relayés (…) La France est plus grande... que les partis pris d’une large part de la presse. » Là aussi, il faut se souvenir que depuis le début de l'affaire, François Fillon n'a cessé de dénoncer les médias. « La séquence des boules puantes est ouverte... Je suis scandalisé par le mépris et par la misogynie de cet article (du Canard Enchainé)... C'est une avalanche de calomnies... »

Si on suit bien la logique de François Fillon, les médias sont eux aussi des pourris qui ont un parti pris dans « son affaire ». Là encore, jamais au grand jamais, un homme politique de son poids -Premier ministre, ministre, député et sénateur- n'a manifesté autant de mépris pour le travail des journalistes.

Tertio, le mépris des électeurs

« Nombre de mes amis politiques, et de ceux qui m’ont soutenu à la primaire et ses 4 millions de voix, parlent d’un assassinat politique. C’est un assassinat en effet, mais par ce déchaînement disproportionné, sans précédent connu, par le choix de ce calendrier, ce n’est pas moi seulement qu’on assassine. C’est l’élection présidentielle (…) Au-delà de la procédure judiciaire, c’est au peuple français et à lui seul que j’en appelle désormais. C’est au peuple français que je m’en remets, parce que seul le suffrage, et non une procédure menée à charge, peut décider qui sera le prochain président de la république française (...) Au-delà de ma personne, c’est la démocratie qui est défiée. Je vous demande de me suivre. Ce n’est pas de moi qu’il s’agit, de mes droits, ou de la présomption d’innocence. C’est de vous, dont la volonté souveraine ne peut être annulée, annihilée, détruite... La France est plus grande que (...) les emballements de l’opinion elle-même. » Et même sur ce point et depuis le début de l'affaire, François Fillon n'a cessé de fustiger l'opinion publique. Il y a quelques jours, il n'a pas hésité à accuser le gouvernement de laisser « se développer dans le pays un climat de quasi-guerre civile »

Si on suit bien la logique de François Fillon, les Français choqués par ce scandale politico-financier, seraient eux aussi des pourris qui ont un parti pris dans son affaire. Jamais au grand jamais, un candidat à la présidence de la République n'a manifesté autant de mépris pour les électeurs qui osent demander de leurs élus d'être « irréprochables ». Et dire qu'il fut un temps où il n'avait que ce mot à la bouche.

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La suite des événements est tout aussi prévisible qu'inéluctable. Le 15 mars François Fillon sera d'abord entendu par les trois magistrats en charge d'instruire cette affaire depuis le 24 février, interrogé ensuite, aussi longtemps qu'il le faut, et enfin, en fonction des éléments du dossier et de l'audition, soit mis en examen pour « détournements de fonds publics, d’abus de biens sociaux, trafic d’influence et manquement aux obligations déclaratives devant la Haute Autorité de la vie publique », c'est le cas le plus probable, soit placé sous le statut de « témoin assisté », une adaptation juridique depuis l'an 2000, de la fameuse formule de Georgina Dufoix prononcée en 1991 dans l'affaire du sang contaminé, « responsable mais pas coupable ». Penelope Fillon est convoquée trois jours plus tard, elle sera probablement mise en examen aussi.

Cela étant dit, François Fillon a le choix. Il peut demander à être reçu avant. Il peut même refuser de se présenter comme Marine Le Pen. Dans les deux cas, la justice ne peut pas les contraindre, comme pour n'importe quel quidam. Tous les deux bénéficient d'une immunité parlementaire, nationale pour l'un et européenne pour l'autre. D'ici là, les avocats de Fillon auront le droit de consulter le dossier secret constitué par les enquêteurs du parquet national financier et de préparer la défense de leurs clients. Ils pourront contester l'existence même de la procédure, après la mise en examen, et demander son annulation pure et simple. A la fin de l'instruction, qui peut durer des mois, les magistrats décideront d'un non-lieu ou enverront François et Penelope Fillon en correctionnel. Il y aura tribunal et procès.

Contrairement à la propagande en vogue chez les désespérés des camps de François Fillon et de Marine Le Pen, il n'y a rien de nouveau sous le ciel de la justice de la République française. C'est du déjà vu à quelques nuances près. Quant au pouvoir des juges dénoncé par Fillon, il est le fruit du renforcement de la législation française dans ce domaine, votée justement par la droite. Il n'empêche que l'histoire retient à ce stade, que Fillon et sa famille politique, Juppé et Sarkozy compris, ont combattu et voté contre la moralisation de la vie politique introduite par la gauche après l'affaire Cahuzac (2013), la loi sur la transparence (obliger les élus à rendre publique leur déclaration d'activités et à déposer à la préfecture leur déclaration de patrimoine). A l'époque François Fillon était scandalisé. « Comme si la vie politique était immorale. Moi, je n’ai rien à cacher. Je ne voterai pas ce texte parce qu’il n’a aucun intérêt. » Aujourd'hui, on comprend mieux pourquoi.

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On a toujours dit que c'est dans les épreuves qu'on découvre la vraie nature des hommes et des femmes. Il faut rappeler que Penelope Gate concerne au final des soupçons de détournement de plus d'un million d'euros, dont 90% d'argent public. La justice reproche à François Fillon entre autres, d'avoir embauché ou fait embaucher sa femme, par son suppléant et par un ami milliardaire qui a décroché la Légion d'honneur, en la payant pendant des années pour un travail discret qui n'a laissé aucune trace en tant qu'assistante parlementaire, et peu de traces, en tant que conseillère stratégique d'une revue littéraire, entre 4 600 €/mois et 10 100 €/mois, soit parfois plus que le député qu'elle était censée assister. Elle aurait même eu un double emploi à plein temps pendant longtemps. Pour un salarié français gagnant près de 2 000 €/mois brut (1,35 fois le SMIC), la somme qui aurait été détournée, représente une vie entière de travail, soit 42 ans de dur labeur, pour obtenir une retraite à taux plein.

Les faits sont là et ils sont accablants. Les journalistes les ont porté à la connaissance des Français et ils ont fait leur boulot. La justice s'est saisie pour faire la lumière sur ce scandale et les justiciables ne peuvent que s'en réjouir. François Fillon se défend et il en a le droit. Rien ne semble ébranler sa détermination pour l'instant. « Je ne céderai pas. Je ne me rendrai pas. Je ne me retirerai pas. J’irai jusqu’au bout... je serai candidat à la présidence de la République  » (1er mars). Et pourtant, il y a quelque jours seulement il disait le contraire aux Français. « Il n'y a qu'une seule chose qui m'empêcherait d'être candidat, c'est si mon honneur était atteint, si j'étais mis en examen. » (26 fév.) Qu'il reste dans la course ou pas et qu'il manifeste place du Trocadéro le 5 mars sous une pluie battante ou un soleil radieux, tout cela ne regarde que sa famille politique et ses sympathisants. Le moment venu, tous les électeurs français en tireront les conséquences qui s'imposent.

En attendant, les défections dans le camp de base se multiplient. Une trentaine de lieutenants du QG de campagne et d'importants soutiens, partisans d'Alain Juppé, Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy se mettent en retrait. Alain Juppé refuse d'apparaitre aux côtés de François Fillon, lors de la conférence de presse épique, mais reste loyal: il ne remplacera pas Fillon que si le vainqueur de la Primaire le lui demande. Bruno Le Maire en charge des questions internationales, claquent la porte. Nicolas Sarkozy fait profil bas, il met tout son poids pour barrer la route à l'option Juppé, en espérant faire office de joker. Autour de Fillon, en première ligne, on ne retrouve pratiquement plus que des fillonnistes. De nombreux responsables politiques, députés, sénateurs et maires de droite et du centre réclament le désistement de François Fillon au profit d'un autre candidat. Et lorsqu'on l'a interrogé sur l'hémorragie en cours, le candidat de la droite n'a pas hésité à afficher son mépris, comme pour les policiers, les juges, les journalistes et les électeurs : « Les élus ? Bah, on fera sans eux ! » Non mais, que l'on soit pour ou contre Fillon, de droite ou de gauche, à quoi peut-on encore s'attendre avec un candidat aussi contesté, déconnecté de la réalité et qui s'est mis tout le monde sur le dos ?

On savait que pour passer de l'hôtel Matignon au palais de l'Elysée, il ne suffisait pas de connaître l'adresse des lieux, de gagner la Primaire de la droite, de traverser la Seine, de s'essuyer les pieds et de rentrer. François Fillon devait convaincre beaucoup de monde. Fort de sa représentation de 2,9 millions de Français inscrits sur les listes électorales, score obtenu lors du 2er tour de la primaire de la droite (soit 6,5% de l'électorat), il s'était lancé sereinement dans la séduction des 18,5 millions d'électeurs Français (soit 41% de l'électorat), moyenne du candidat élu lors du 2e tour des élections présidentielles clivantes de 2007 et 2012, pour atteindre son objectif. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à ces maudits mercredis ! Et là franchement, c'est très mal barré. Il y a encore beaucoup de mercredis jusqu'au jour J.